Des technologies de surveillance à l’école ?

12 juin 2009


Texte de présentation

Base élèves :On ne fiche pas les enfants ! Base élèves : qu’est-ce que c’est ? Où en est-on ? Quels problèmes ?
François Nadiras, membre de la section de la LDH de Toulon
Résumé

Base Elèves : Une entreprise irrégulière de fichage d’envergure nationale
Recours en conseil d’Etat : Pourquoi? les arguments retenus, Vincent Fristot, parent d’élèves du premier degré scolarisés à Grenoble, maître de conférences en électronique, ancien conseiller municipal écologiste de Grenoble
Résumé

Remise du Prix du CREIS

La biométrie à l’école : Une approche anthropologique du corps « biométrisé ». Le cas de la biométrie scolaire, Xavier Guchet, maître de conférences en philosophie, Université de Paris Panthéon Sorbonne
Résumé

Le vote électronique à l’Université : Usage du vote électronique dans les universités françaises, Chantal Enguehard, Maître de Conférences en informatique, Université de Nantes
Résumé


Des technologies de surveillance à l’école ?

La diversité des approches et des cas présentés durant la journée d’étude fournit un cadre propice à la réflexion sur les technologies de surveillance de l’école à l’université.

Un des cas abordés concerne le fichier « Base élèves » qui a fait l’objet d’une vive polémique dans l’espace public. Ce fichier visant à structurer les relations entre l’institution publique et les jeunes citoyens participe d’une idéologie historique. Pourtant, sa mise en œuvre est récente et relance un débat qui traverse bien d’autres dispositifs, tels que l’identifiant unique, ou d’autres fichiers de surveillance comme ELOI, STIC ou le récent EDVIGE. Base élèves témoigne de l’insistance avec laquelle les décideurs publics opèrent selon un leitmotiv sécuritaire.

Justement pour sécuriser des lieux comme les cantines scolaires, les technologies biométriques sont déployées. La logique gestionnaire est dans ce cas de figure prégnante aussi.

Cependant la pugnacité des citoyens, face à l’informatisation de la société, à l’omniprésence des technologies de surveillance, et dotés d’une culture politique ancrée dans une expérience de plusieurs décennies, depuis le fichier SAFARI notamment, permet l’instauration d’une contestation de fond. Celle-ci ne constitue en effet pas une réaction passagère, mais une résistance visant à protéger la vie privée et les données à caractère personnel.

Cette résistance a néanmoins des limites, puisque les fichiers informatiques se multiplient malgré les cadres législatifs visant à protéger consommateurs et citoyens. Engageant des actions adaptées, mobiles et inventives, la société civile s’appuie sur les lois et le droit qui fournissent la possibilité de déposer des requêtes pour s’opposer au fichage, qui s’impose à tous, en tous lieux et toutes circonstances. Une autre stratégie de la part des citoyens est le rejet par le non usage … »

Une autre stratégie de la part des citoyens est le rejet par le non usage, tel que cela est observé dans les universités. Très peu d’universités en effet s’approprient les modalités de vote électronique, qui est une autre forme de captation des citoyens par les moyens informatiques, réduisant, voire en mettant en danger, un acte fondamental de l’expression démocratique, au sein des établissements de l’enseignement supérieur. Mais les choix universitaires de non utilisation du vote électronique relèvent-ils réellement d’une stratégie de rejet de l’outil, par résistance au fichage?

La vitesse, avec laquelle les technologies informatiques sont mises en œuvre pour s’imposer dans les cantines, les universités, les bureaux des directeurs d’établissements scolaires interroge. Qu’en est-il du lobby des industries informatiques, fournisseurs de services de surveillance ? La rengaine des discours est fondée sur la séduction de la thématique sécuritaire et sur la prétendue efficacité et neutralité de la technologie.

Cette journée d’étude offre l’occasion d’adopter une posture réflexive, nécessaire pour saisir et continuer les résistances face à l’informatisation de la société d’une part, et pour poursuivre une démarche heuristique de façon à cerner d’autre part les rapports et les tensions entre l’informatique et la société.

 


On ne fiche pas les enfants !

Base élèves : qu’est-ce que c’est ? Où en est-on ? Quels problèmes ?

François Nadiras, section LDH de Toulon

Le système « Base-élèves 1 er degré » (BE) est apparu, en catimini, à la fin de l’année 2004, présenté alors comme un nouveau système de saisie et de gestion informatique de données concernant les élèves des écoles. Son fonctionnement s’appuie sur la mise en place d’un Identifiant National de l’Elève (INE) et d’une Base Nationale des Identifiants Elèves (BNIE).

Base-élèves doit concerner tous les élèves des écoles maternelles et élémentaires, privées et publiques, ainsi que ceux recevant une instruction dispensée en dehors de l’école. Les données personnelles portaient, au départ, sur une soixantaine de champs (données familiales, sociales, scolaires, etc.) accessibles via Internet au niveau de l’Inspection départementale et académique, et en partie partagées avec une autre administration, les mairies. Officiellement, il s’agissait de constituer une base de données à plusieurs finalités : gestion administrative, pilotage pédagogique, suivi des parcours scolaires, élaboration de statistiques académiques et nationales.

Après l’annonce de la généralisation du système et le constat de graves défaillances au niveau de la sécurité, d ans un contexte de « chasse aux sans-papiers » et à la suite d’une mobilisation importante, le ministère de l’Education nationale (MEN) décidait, début octobre 2007, de supprimer de BE toutes les mentions liées à la nationalité.

Ce premier recul n’a pas enrayé une opposition de la part d’enseignants et de syndicats, de parents et de fédérations, d’associations, d’élus… Ils voient dans BE un outil de fichage des enfants, de chasse aux enfants de sans papiers, de transfert d’informations entre institutions de nature différente, d’interconnexion autour de l’INE…

Peut-on ficher les enfants sans risque de les figer ? Ne faut-il pas au contraire considérer que le fichage des enfants est illégitime ?


Base Elèves : Une entreprise irrégulière de fichage d’envergure nationale

Vincent Fristot, parent d’élèves du premier degré scolarisés à Grenoble,
maître de conférences en électronique, ancien conseiller municipal écologiste de Grenoble,
co-requérant au Conseil d’Etat contre les actes administratifs de mise en œuvre du traitement automatisé « Base Elèves premier degré ».

 

Le ministère de l’Education nationale (MEN) met en place une base de données nationale «Base élèves premier degré » relative aux enfants des écoles maternelles et primaires. Ce large fichier informatique pose des problèmes majeurs pour les libertés fondamentales, avec un fichage généralisé et centralisé des enfants dès 3 ans, de leurs parents, des proches et donc des citoyens.

Aucun texte législatif, aucun décret n’a créé ce traitement informatique « base élèves premier degré » qui concerne de nombreuses données personnelles confidentielles pour 6,5 millions d’élèves du premier degré, 50 champs de données conservés pendant la scolarité du premier degré, mais aussi la création pour 35 ans d’un identifiant unique au sein d’une base nationale des identifiants élèves (BNIE), retraçant le parcours scolaire.

Devant la contestation importante des parents d’élèves et des directeurs opposés à ce fichier, le MEN a pris un arrêté de création de la Base Elèves le 20 octobre 2008, supprimant certains champs relatifs à la nationalité, la date d’entrée en France, les besoins éducatifs particuliers, ceci 4 ans après les premières collectes de données à caractère personnel des élèves.

Des requêtes en annulation des actes de mise en œuvre de ce traitement ont été déposées au Conseil d’Etat pour demander l’annulation de l’arrêté du 20 octobre 2008 ainsi que l’effacement des données déjà enregistrées irrégulièrement dans la « Base Elèves ».

Les requérants motivent leur demande en se fondant sur de nombreux motifs liés à des vices de procédure et à la violation de la loi ou de conventions internationales auxquelles la France est partie, dont les principaux sont :

•  Interconnexion des fichiers Base Elèves – BNIE cachée au public qui n’a pas fait l’objet d’une demande d’autorisation auprès de la CNIL

•  Transmission d’informations nominatives aux maires par l’Inspecteur d’Académie sans que les personnes n’en soient informées.

•  Présence de données liées à la santé des élèves (intitulé de certains établissements fréquentés, certaines classes d’intégration),

•  Refus du droit d’opposition des personnes à figurer dans ce fichier

•  Droit au respect de la vie privée et familiale – Article 8 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Collectif national de résistance à Base Elèves : CNRBE
http://retraitbaseeleves.wordpress.com/


 

Une approche anthropologique du corps « biométrisé ». Le cas de la biométrie scolaire

Xavier Guchet, Maître de conférences en philosophie, Université Paris Panthéon Sorbonne

 

La diffusion des techniques d’identification biométrique dans les établissements scolaires français pour le contrôle d’accès aux selfs a été très rapide ces dernières années. Les établissements scolaires ayant fait le choix de la biométrie se comptaient encore il y a cinq ou six ans sur les doigts d’une main, or ce sont aujourd’hui plusieurs centaines d’établissements (plus de quatre cents probablement, les données sont difficiles à collecter) qui sont équipés. Lors d’un colloque organisé par le CREIS en 2004 sur le thème « Société de l’information, société du contrôle ? », j’avais déjà dressé le bilan d’une étude sur la biométrie scolaire à partir d’entretiens et d’observations menés dans les premiers établissements équipés (trois collèges de la région PACA). Je propose de poursuivre cette réflexion sur la biométrie scolaire, centrée initialement sur la question du pouvoir biométrique, dans un sens plus anthropologique.


 

Usage du vote électronique dans les universités françaises.

 

Chantal ENGHEHARD, Maître de conférences en informatique, Université de Nantes

Depuis quelques années le vote électronique a fait son apparition dans les universités en France. Les universités de Nantes (en 2004 et 2006) et Lyon 2 (en 2004) en ont fait un usage ponctuel pour les élections des représentants des étudiants dans leurs conseils. Quelques universités ont organisé des consultations électroniques lors des périodes de grève de 2007 et 2009.

Nous présenterons quelques éléments des cadres juridique et technique du vote électronique dans les universités, puis nous détaillerons les résultats d’une enquête nationale menée auprès de 85 universités françaises au cours des mois d’avril et mai 2009.

Nous dresserons un bilan portant sur les positions contrastées des universités. Nous examinerons les motivations des universités ayant eu recours à ces nouvelles formes de votes et les raisons qui ont amené d’autres universités à ne faire aucun usage du vote électronique.

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