Louis Joinet croyait à la force du droit pour protéger les libertés individuelles menacées par les fichiers informatiques et leurs interconnexions. La loi informatique et libertés de 1978 doit beaucoup à ses compétences de juriste. Lors de la révision de ce texte en 2004, il devait dire publiquement qu’en retirant du contrôle de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) les fichiers de police, on lui enlevait une grande partie de son intérêt. Premier directeur de cette commission à qui il voulut faire jouer le rôle d’un contre-pouvoir indépendant, il fut rapidement démis de ses fonctions.
Au cours de la brillante carrière qui allait suivre avec les plus hautes responsabilités comme conseiller à la justice de tous les premiers ministres socialistes et du président Mitterand ou comme expert des droits de l’homme auprès de l’ONU, il n’a jamais oublié ses combats passés. En 2006, il témoignait en faveur de jeunes militants accusés d’avoir détruit les appareils biométriques de la cantine d’un lycée, parce que selon lui, « on ne peut pas faire croire à des jeunes qu’il est normal que leur corps soit un instrument de contrôle comme si c’étaient des bêtes ». En 2007, il nous témoignait de son soutien en acceptant de faire partie du comité de parrainage du CECIL.
Ce magistrat épris de justice comme il se qualifiait lui-même dans ses mémoires publiées en 2013, nous a beaucoup apporté. Ceux qui ont eu la chance de le rencontrer, gardent de lui le souvenir d’un grand juriste dont la perte est d’autant plus cruelle que le combat qu’il avait mené contre une informatique liberticide, est loin d’être gagné.
André Vitalis