Journée d’étude 22 mars 2019 – CREIS – Terminal
Les données de santé aux risques du numérique
Béa Arruabarrena, Maître de conférences – CNAM Paris – Laboratoire DICEN IDF
beatrice.arruabarrena@lecnam.net
Titre de la communication : Des données au comportement en santé : le design des objets connectés1 entre intervention et autonomie
Résumé : Depuis quelques années, le développement des dispositifs d’objets connectés en santé est en plein essor. S’il est vrai que ces dispositifs offrent de nouvelles opportunités en santé pour l’usager comme pour le praticien en particulier pour les maladies chroniques (4P, Dr Hoods), il ressort également que ces technologies font l’objet d’applications sans véritable concertation et évaluation entre professionnel de santé, industriels et usagers (Ranck, 2012). Les questions soulevées par le couplage permanent et automatisé entre le corps physique et des données numériques (Boullier, 2016) ne sont pas prises en compte dans la conception des dispositifs objets connectés. Le differentes méthodes de design appliquées aujourd’hui sont essentiellement fondées sur des approches comportementalistes, dont le postulat est de changer les individus via leurs biais cognitifs pour agir directement sur leurs comportements et leur faire adopter de nouvelles habitudes (Serra, 2017). Le design persuasif (Fogg, 2002) ou les Nudges comptent parmi ces stratégies d’influence habituellement utilisées dans les domaines de la communication digitale et du marketing. Ces stratégies peuvent prendre des formes inattendues, comme avec les systèmes de « Gamification » (Wiston, 2013) que l’on retrouve dans les traceurs d’activité́ « Nike+ » ou « Fitbit », qui en orientent la gestion des pratiques de santé par le jeu. Si l’objectif affiché de ce type de design est de faciliter le changement en donnant « des coups de pouce » (Nudges), il n’en est pas moins qu’il s’agit d’un design interventionnel qui a des effets directs sur le comportement des personnes. Le risque éthique dans le contexte actuel de développement de l’économie comportementale est que ce type design puisse constituer une forme contemporaine de biopouvoir (Lupton, 2016).
Cette communication s’intéressera au design des dispositifs d’OC en santé. Dans un premier temps, il s’agira de revenir sur le domaine des OC en santé, leurs usages et leur conception ainsi que leurs bénéfices et leurs limites, en particulier leur caractère interventionnel. Dans un second temps, nous aborderons les perspectives de recherches montant qu’il existe d’autres alternatives en termes de conception des dispositifs objets connectés afin de poursuivre le développement d’un design numérique en santé au service basé sur l’autonomie des personnes.
Références
Boullier, D. (2016). Sociologie du numérique, Paris, Armand Colin, coll. « U Sociologie », 350 p.
Fogg, B. J. (2009, April). A behavior model for persuasive design. In Proceedings of the 4th international Conference on Persuasive Technology (p. 40). ACM.
Lupton, D. (2016). The Quantified Self, Wiley.
Ranck, J. (2012). The quantified self: Hacking the body for better health and performance. GigaOM Pro. http://pro.gigaom.com
Saint-Paul, G. (2011). The Tyranny of Utility : Behavioral Social Science and the Rise of Paternalism, Princeton Uiversity Press.
Serra, D. (2017). Économie Comportementale. Economica.
Whitson, J. R. (2013). Gaming the quantified self. Surveillance & Society,11(1/2), 163.
1 Nous désignons par « dispositifs objets connectés », les dispositifs d’automesure et de monitoring en santé composés d’ objets connectés, d’applications mobiles, de plateformes de données ainsi que d’algorithmes.