REFORMER LES FICHIERS DE POLICE : Stic et nunc ! Combien faudra-t-il de condamnations de la CEDH pour que la France réforme les fichiers de police ?

Communiqué de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN)
Paris,  le 6 octobre 2014

Rien n’ébranlera donc les tenants du fichage policier ! Ni les multiples critiques émises par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) à l’encontre de fichiers pour beaucoup constitués en dehors de tout cadre légal par l’administration, avant d’être « régularisés » au cas par cas, devenus tentaculaires avec le temps et pourtant si peu fiables, à l’image d’un Système de traitement des infractions constatées (Stic) rempli de données erronées dans 80 % des fiches ; ni les condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), le 18 juillet 2013, pour le Fichier automatisé des empreintes digitales (Faed), le 18 septembre 2014, pour le Stic ; ni les condamnations qui ne manqueront pas d’intervenir sur les mêmes motifs pour le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg).

Aveuglé par la prétendue efficacité policière de ces fichiers de population, ce gouvernement – comme ses prédécesseurs – fait la sourde oreille : il ne voit que la « finalité » des fichiers, qui légitime leur abreuvement continu, sans se soucier de leur champ, de l’exactitude des données qu’ils contiennent et du contrôle et suivi des accès. C’est pourtant bien ce à quoi la CEDH invite l’Etat français : repenser les données introduites dans les fichiers au regard des principes de proportionnalité, de pertinence, de non-excessivité et de non-stigmatisation, mais aussi ouvrir un véritable recours pour obtenir un effacement de ces données.

L’urgence est bien là : réformer un fichier Stic (devenu Taj), constitué de plus de six millions de fiches, voué à conserver pendant vingt ans les données relatives à des mises en cause, quelle que soit la gravité des faits, sans perspective d’effacement pour ceux qui n’auraient pas bénéficié d’une relaxe ou d’un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée (et même pour ceux-là, l’effacement n’est pas garanti). Atteinte disproportionnée au respect de la vie privée, nous martèle la CEDH, car le recours au procureur de la République pour l’effacement du fichier n’est pas effectif. Celui qui devrait se faire juge de la pertinence du maintien d’informations dans le fichier est, en l’état du droit, privé de tout pouvoir d’appréciation, et le citoyen est bien seul face au fichage.

L’urgence est aussi ailleurs, dans les fichiers qui contiennent et conservent pour de longues années (jusqu’à quarante ans, assimilables à une conservation quasi infinie) les données identifiantes de plus de quatre millions d’empreintes digitales au Faed, plus de deux millions d’empreintes génétiques au Fnaeg. Loin de ne recueillir que les empreintes des personnes définitivement condamnées pour des crimes, ces fichiers accumulent les empreintes de personnes mises en cause encore présumées innocentes – 80 % des personnes inscrites au Fnaeg – mais aussi de condamnés dans des affaires mineures, tant la liste des infractions concernées par les prélèvements, d’abord limitée aux crimes les plus graves, s’est étendue au mépris des principes de nécessité et de proportionnalité.

L’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) ne se satisfait pas des réponses convenues faites à sa précédente interpellation de la garde des Sceaux. Il appelle à une réforme urgente et en profondeur de l’ensemble des fichiers de police, qui en réduise drastiquement le champ et les durées de conservation, en exclue les personnes non encore condamnées et en permette véritablement l’effacement pour des motifs légitimes. Ce n’est qu’à ces conditions que sera mis fin à ce fichage policier de masse, qui, selon les termes de la CEDH, « ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique ».

Organisations membres de l’OLN : Cecil, Creis-Terminal, LDH, Quadrature du Net, Saf, SM.

 

Appel à communication : « Les données environnementales massives »

Pour le prochain numéro de notre revue Terminal, lire l’appel

Date limite d’envoi des résumés (500 mots) : 15 novembre 2014.

À compter du numéro 116 (sortie prévue pour l’automne 2014), la revue Terminal sera diffusée par voie électronique sur le portail Revues.org

Rapport d’activités 2012-2013

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Protégeons la démocratie contre les excès de l’antiterrorisme !

Communiqué de l’Observatoire des Libertés et du Numérique (OLN) dont CREIS-Terminal est membre

Paris, le 24 juillet 2014
Protégeons la démocratie contre les excès de l’antiterrorisme !
Une nouvelle fois, le pouvoir exécutif prend prétexte de la menace terroriste et argue de sa mutation pour tenter de renforcer dans l’urgence, et sans réel débat démocratique, un arsenal répressif d’exception déjà disproportionné.
Le ministère de l’Intérieur est déterminé à forcer le consentement à un projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, dont la teneur a été aggravée par la Commission des lois de l’Assemblée nationale le 22 juillet. Non seulement ce projet, examiné dans le cadre d’une procédure accélérée, multiplie les pouvoirs exorbitants de l’Etat sur les personnes suspectées mais de plus il vise la population dans son ensemble.
Les citoyens ne doivent pas se méprendre : nul n’est à l’abri, car, en fait de lutte contre le terrorisme, les mesures envisagées portent gravement atteinte aux libertés fondamentales de tous et dénaturent une société qui bascule dans la suspicion et la surveillance généralisées.
Surfant sur l’émotion légitime que suscitent les actes terroristes, le gouvernement renforce à nouveau les pouvoirs coercitifs de l’autorité administrative et il contourne sciemment le contrôle de l’autorité judiciaire, gardienne constitutionnelle des libertés individuelles sur des questions aussi essentielles pour chaque citoyen que le contrôle de l’Internet, la liberté d’expression et la liberté d’aller et venir.
L’antiterrorisme, doté de la légitimité suprême, autorise tout : il réinvente la neutralisation toujours plus précoce et se fait juge d’une intention terroriste « en devenir ». Donner à l’administration, et non plus au juge, le droit d’interdire aux citoyens de quitter le territoire car ils seraient « susceptibles » de constituer une menace à leur retour, étendre encore un arsenal pénal d’exception à des individus qui « auraient l’intention » de mener seuls des actes terroristes sans être au stade du commencement d’exécution, c’est bien considérer tous les citoyens comme suspects a priori. Le propre d’une « intention en devenir » est pourtant d’être si difficilement saisissable et si évidemment réversible ! Et ce ne sont pas les trop rares garanties prévues dans ce projet qui protégeront contre les dérives déjà connues en la matière !
L’antiterrorisme continue surtout à diffuser une culture de la suspicion et de la surveillance à laquelle les « bons citoyens » devraient adhérer car ils n’ont rien à se reprocher et parce que la situation serait exceptionnelle. Mais en la matière, l’exception devient aussi permanente que la présence des militaires dans les lieux publics et les contrôles d’identité adoptés jadis sous couvert d’antiterrorisme…
Et le « bon citoyen » en vient à consentir à une surveillance de ses allers et venues : dans le monde réel, où les compagnies de transport sont contraintes de transmettre aux pouvoirs publics les données d’enregistrement de chaque passager, ou comme sur le Net, où la surveillance est partagée entre des opérateurs incités à organiser une surveillance généralisée des échanges, et un pouvoir administratif autorisé à bloquer des sites au mépris des procédures judiciaires existantes de retrait des contenus.
Il est dangereux pour les libertés qu’au nom de la lutte anti-terroriste, le législateur, par l’exclusion des délits d’incitation et d’apologie de son champ d’application, rogne encore sur la loi sur la presse de 1881 ; loi fondatrice et fondamentale, qui protège avant tout la liberté d’expression des risques d’une trop hâtive et trop large pénalisation des discours critiques de l’ordre établi, et qui sanctionne déjà les abus. Comme il est dangereux que le législateur donne aux autorités judiciaires et policières des pouvoirs d’enquête exorbitants et attentatoires aux libertés dans des domaines si larges que la lutte
anti-terroriste y est réduite au rang d’alibi. C’est pourtant ce qui est à l’oeuvre avec la facilitation des perquisitions des systèmes informatiques et des réquisitions pour déchiffrer les données, le développement de l’enquête sous pseudonyme, l’allongement de la durée de conservation des écoutes administratives, l’aggravation de la pénalisation de la captation de données d’un système de traitement informatique…
En étendant le filet pénal et administratif à « l’intention », en faisant de la neutralisation préventive et du contrôle généralisé des populations un principe, en rognant sur les garanties procédurales qu,i dans un Etat de droit, doivent s’appliquer à tous, ce gouvernement fait sombrer la démocratie dans l’Etat de terreur que recherchent ses détracteurs, il tombe dans le piège des terroristes.
L’Observatoire des libertés et du numérique dénonce tant l’esprit que le contenu de ce projet de loi et enjoint les parlementaires, qui examineront ce projet en septembre 2014, à refuser de mettre plus à mal les fondements de notre démocratie.

Organisations membres de l’OLN : Cecil, Creis-Terminal, LDH, Quadrature du Net, Saf, SM.

Contact presse :
Feriel Saadni, service communication LDH, 01 56 55 51 08
contact-oln@ldh-france.org

 

CREIS-Terminal soutient la campagne lancée par la Quadrature du net :

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