ENTRE PROMESSES ET REALISATIONS"
STRASBOURG, 10-12 JUIN 1998.
En dehors de la "notabilisation" et des sentiers battus
S'il fallait, en deux mots, caractériser ces rencontres, nous
les qualifierions d'une part, de "démocratiques" et d'autre part,
de "novatrices".
Démocratiques d'abord, car, contrairement à ce qui
se passe dans un grand nombre de colloques, chaque opinion a été
prise en considération per se et aucune hiérarchisation
n'a été établie en fonction du profil académique
ou professionnel, des appartenances institutionnelles et de l'origine sociale
de son auteur.
Novatrices ensuite, avec une écoute attentive accordée
à des discours généralement relégués
au rang de "fantaisies" dès que l'on aborde le thème de l'informatique
et de la société, à savoir les apports littéraires
et notamment de la science-fiction.
Au croisement des disciplines
Fidèle à la méthode développée
au fil des ans par le CREIS, ce 11ème colloque s'est donc révélé
être un carrefour de multiples approches. Il a marqué la rencontre
de deux champs d'analyse habituellement séparés : l'approche
classique et objective qui s'appuie sur l'observation des faits et en tire
des conclusions, et l'approche plus militante désireuse de faire
partager ses convictions.
Mission accomplie !
L'objectif était de s'interroger sur les promesses et les
réalisations, sur les discours et leur traduction sur le terrain.
Aux termes des trois jours de débats, on peut affirmer qu'il a été
atteint dans la mesure où les allers-retours furent incessants entre
l'analyse des paroles et l'observation des gestes.
Paroles, paroles
L'analyse des promesses se fit selon une démarche originale
consistant à traiter, sur le même plan, des discours totalement
différents voire opposés: science-fiction, discours politiques
(nationaux et européens), anticipations des informaticiens, extrapolations
commerciales des industriels, etc. De cette méthodologie, il ressort
que malgré leur hétérogénéité,
une correspondance peut être établie entre ces différents
types de "prophéties". En effet, ils soulignent tous d'une part,
l'évolution socio-politique de nos sociétés (changement
des valeurs, apparition de nouveaux modèles familiaux, économiques,
politiques, etc.) et, d'autre part, ils s'accordent sur les progrès
technologiques réalisés.
Mais se pose alors la question, désormais classique, de l'articulation
entre changements techniques et changements sociétaux. Les premiers
engendrent-ils les seconds ? Ou est-ce l'inverse ? A moins qu'ils ne soient
indépendants les uns des autres ?
Les débats ont toutefois évité de se focaliser
sur cette polarisation entre, d'un côté, les défenseurs
d'un déterminisme technologique déplacé, et de l'autre,
les observateurs "aveugles" d'une prétendue étanchéité
de nos sociétés aux évolutions techniques. Ils se
sont aventurés dans cette zone grise qui sépare les positions
extrêmes. Zone grise ô combien difficile à définir
mais où la navigation intellectuelle est beaucoup plus stimulante.
Joindre le geste à la parole
Un décalage " indéniable et inacceptable " entre discours
et réalisations a été mis en évidence par de
nombreux travaux empiriques d'évaluation. A ce constat sans appel,
sur ce difficile rapport entre discours et réalités, se greffe
alors une question d'ordre heuristique : si les faits ne correspondent
pas aux paroles, quelles sont la place et l'importance accordées
aux utilisateurs ? Et pourquoi ces derniers s'ingénient-ils " à
ne pas se conformer aux promesses dont sont porteuses les nouvelles technologies
de l'information " (P. Breton) !? Est-ce à dire que les discours
ne se réaliseront qu'à la condition de voir les individus
s'éclipser ? C'est sans doute là la grande utopie des "faiseurs
de discours" qui pensent construire la société de l'information
sans tenir compte de ceux à qui elle doit bénéficier
en priorité : les citoyens, avec leurs enthousiasmes et leurs compétences,
mais aussi leurs doutes et leurs résistances.
Rédigé par B. Caremier