Marie d'Udekem-Gevers
E mail : mgevers@info.fundp.ac.be
Adresse Web : http://www.info.fundp.ac.be/~mge/
Résumé : La présente analyse commence par proposer une définition au concept actuel de ‘ville virtuelle’, le distinguant de celui de ‘villes imaginaires’. Elle envisage deux cas : celui d’un ensemble de pages Web et celui des ville virtuelles ‘avancées’. Ensuite, elle trace une perspective historique remontant aux années 60 et mettant en évidence une double origine aux villes virtuelles : d’une part, des projets politiques nationaux éventuellement assortis d’une vision métaphorique et, d’autre part, des initiatives locales spontanées (les ‘réseaux de communauté’ américains). Enfin, elle procède à des commentaires généraux sur les textes de l’Union européenne relatifs à la société de l’information. Puis à la lumière de ces textes, elle discute en détail les résultats d’une étude de 37 villes virtuelles belges francophones issues d’initiatives locales spontanées.
Mots clés : Villes virtuelles (/ numérisées
/ digitales), discours politiques, réalisation spontanée,
Union européenne, Belgique francophone.
Abstract: This paper suggests first a definition for the current concept of ‘virtual city’ which distinguishes it from imaginary cities. It takes into account 2 cases: a set of Web pages (‘basic’) and the ‘advanced’ virtual cities. Then it analyses the history since the sixties and underlines that the virtual cities have a twofold origin: on the one hand, national political projects sometimes with a metaphorical vision, and, on the other hand, local spontaneous initiatives (American ‘community networks’). Moreover, it comments the official texts of the European Union about the information society. Finally, it discusses, in the light of these texts, the results of a study of 37 Belgian French-speaking Web sites devoted to cities or communes.
Keywords : Virtual (/digital/Webbed) cities, official political texts,
spontaneous initiatives.
A notre époque, où Internet est largement disponible et où les services Web ont acquis une place dominante, la réalisation d’un ‘ville virtuelle’ ne peut se concevoir sans recourir d’abord à des pages Web. On considérera donc ici qu’un ensemble de pages Web réalisées dans le cadre d’une ville ou, plus généralement, d’une commune donnée peut s’appeler actuellement une ‘ville virtuelle’. Les synonymes anglais utilisés depuis peu dans la littérature tel que ‘Webcity’ [Graham 97 p. 36] ou ‘Webbed city’ [Nunn 97 p. 53] sont d’ailleurs évocateurs à ce sujet. A partir de ces pages Web, les différents services Internet actuellement disponibles (courrier électronique, groupes de discussion, .. ) peuvent être directement accessibles et s’intégrer ainsi à la ville virtuelle. Par ailleurs, peuvent s’ajouter aussi différentes composantes tels que : un intranet, des kiosques d’accès public, etc. Cette définition, avec ces précisions, s’applique parfaitement à toutes les villes virtuelles de l’échantillon qui sera évoqué au § 3.
Tableau 1 : Typologie de l’ensemble des villes virtuelles présentes sur le Web
Intitulé de la métaphore |
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[Ville virtuelle au sens large (= imaginaire)] |
Correspondance avec une entité administrative/géographique déterminée |
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Utilisation de la métaphore de la ville au niveau de la réalisation des pages Web |
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Elle mérite différents commentaires. Il faut tout d’abord remarquer que le mot ‘ville’ de la métaphore correspond obligatoirement ici (voir tableau 1) à une localisation territoriale donnée, que ce soit une ville réelle ou une commune existante. Le concept de ville peut aussi éventuellement se traduire avec plus ou moins de fidélité et de détails dans l’interface offert à l’utilisateur. Confrontée à la typologie proposée par Graham [97 p. 36-37], notre définition d’une ville virtuelle correspond plus ou moins à la catégorie de ‘grounded’ virtual city et s’oppose complètement à celle de ‘non-grounded’virtual city. Cette dernière catégorie traduit, en effet, le regroupement d’un ensemble de services Internet dispersés à travers le monde sous l’intitulé de ‘ville virtuelle’ uniquement en raison de la nature de l’interface qui reflète obligatoirement une ville. Le mot ‘virtuel’ est employé ici comme synonyme d’imaginaire : il n’y a aucun lien avec une ville existante. Nous considérerons que cette dernière acception peut correspondre à une ville virtuelle au sens large mais qu’elle n’est pas pertinente pour notre propos. Dans la suite de cet article, les termes ‘ville virtuelle’ devront toujours être pris au sens strict.
Il faut ensuite noter que le mot ‘virtuelle’ de l’intitulé (tel qu’il est entendu par notre définition) peut ici être considéré comme synonyme de ‘électronique’ ou encore, plus précisément, de ‘digitale’ ou ‘numérisée’. Ceci fait clairement allusion au fait que les techniques actuelles d’information et de communication sous-jacentes recourent à la numérisation et, via celle-ci, au multimédia. Cette remarque prendra davantage d’intérêt lorsqu’elle sera intégrée à une vision diachronique des villes virtuelles (cf. § 2).
Il faut encore remarquer que la définition adoptée ici est très large : elle ne tient délibérément pas compte des différentes identités possibles des responsables du site Web ni des variétés des buts poursuivis. En règle générale, ces villes virtuelles sont le résultat d’initiatives locales spontanées.
Tableau 2 : Typologie des villes virtuelles (au sens strict) actuelles dans l’Union européenne
Ville virtuelle (de base) | Ville virtuelle avancée |
Pages Web | Pages Web + réalisation d’au moins 1 des 10 applications du Rapport Bangemann / Approche ‘Social Pull’ - ‘Public policy Drive’ / ... |
Mais notre définition est insuffisante pour tenir compte de l’ensemble du phénomène actuel des villes virtuelles (voir tableau 2). En effet, elle pourrait être considérée comme minimale et être d’application pour des villes virtuelles implicitement qualifiées de ‘basales’. Car notre époque est aussi celle des ‘autoroutes de l’information’ et cette vision des politiciens trouve un reflet notamment au niveau de villes virtuelles. Pour le cas de l’Union européenne, les villes virtuelles les plus avancées sont celles qui s’efforcent de répondre aux attentes du Rapport Bangemann [94] en la matière (voir § 3) et de profiter ainsi de divers financements Européens possibles. Ces attentes ont d’ailleurs été explicitement reprises et orchestrées par le ‘Défi Bangemann’ (se continuant lui-même par le ‘Défi Bangemann global’) : il s’agit de mettre en oeuvre, au niveau d’une ville, au moins une des applications du Rapport Bangemann : télétravail, enseignement à distance, réseau entre les universités et les centres de recherche, services télématiques pour les PME, gestion du trafic routier, contrôle de la navigation aérienne, réseau de santé, informatisation des appels d’offre, réseau transeuropéen des administrations publiques, autoroutes d’information urbaines (à large bande). Citons encore ici le projet intitulé ‘European Digital Cities’ financé par la Commission via le ‘Programme Applications télématiques’ (PAt). Ce projet a pour but " d’accélérer le déploiement de solutions télématiques financièrement efficaces en réponse à une définition commune de la demande urbaine des services et applications télématiques ". Il fut initié par quatre importants réseaux urbains : ‘POLIS’, ‘Car Free Cities’, ‘Eurocities Transport Committee’ et ‘Telecities’. Notons enfin, le projet ‘Equality’ qui a pour mission d’améliorer la qualité de vie des citoyens défavorisés. Et, pour terminer, mentionnons le programme METASA (Multimedia European experimental Towns with a Social-pull Approach), financé par la DGXIII, qui concerne 4 villes européennes : Parthenay (France), Arnedo (Espagne), Weinstadt et Torgau (Allemagne) [d’Iribarne 97].
Il faut savoir, en effet, que les villes ont déjà jadis fait l’objet d’un projet politique basé sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et donné lieu à une métaphore suggestive. Comme le souligne Dutton [87 p. 5], dès les années 60 a émergé aux États-Unis la métaphore de la ‘ville câblée’ (‘wired city’). C’était dans le contexte de la ‘Great Society’, telle que la voyait le démocrate Lyndon Johnson. " Durant les six années de sa présidence, Johnson lança d’importants programmes gouvernementaux destinés à résoudre les problèmes sociaux des villes. " [Dutton 87 p. 5] Les NTIC, et en particulier les technologies basées sur le câble coaxial, apparaissaient comme l’outil providentiel pour réaliser ces programmes. Notons que la câble coaxial permettait alors une convergence de différents services sur un même support et l’interactivité mais via des signaux analogiques. Remarquons donc qu’il eût été impropre à cette époque de parler de ‘villes digitales’ ou ‘numérisées’. Mais déjà " des académiques et des journalistes mettaient en exergue l’attrayante perspective de permettre aux gens de calculer, acheter, voter, envoyer du courrier électronique, recevoir une assistance médicale, et accéder à l’information, à la radio, à la télévision et à des films via le câble coaxial. " [Dutton 94 p. 4] Dans les années 70, la vision de la ‘ville câblée’ donna lieu à des investissements publics et privés dans des projets conduits aussi bien aux États-Unis (par exemple, à Columbus) qu’au Japon (par exemple, à Tama New Town). Selon l’analyse de Dutton [94 p. 15], tous ces projets furent voués à l’échec et ceci en raison d’une absence de viabilité commerciale à cette époque.
Dans les années 80, toujours selon l’analyse de Dutton [94 p. 3 et 87 p. 7], la perception de l’usage possible des NTIC a changé : elles sont cette fois essentiellement pensées comme des outils de développement économique et de commerce international. De nouveaux projets expérimentaux d’application des NTIC aux villes ont été menés notamment en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux USA et au Japon. Ainsi, par exemple, l’expérience initiée par les PTT française à Biarritz [Guérin 87] en 1979 et opérationnelle en 1984 était, cette fois, basée sur la fibre optique. Le but poursuivi était d’intégrer une grande variété de services (téléphonie, vidéotex, vidéophonie, téléachat, télévision) comme approche du RNIS (Réseau Numérique à Intégration de Services) à large bande. Il s’agissait ainsi pour la France d’offrir une vitrine et de gagner un avantage compétitif sur la scène internationale [Dutton 87 p. 457]. Mais cette expérience demeura en deçà des attentes notamment en ce qui concerne les services de vidéophonie [Dutton 94 p. 18].
En 1993, sous l’administration démocrate Clinton-Gore, l’Information Infrastructure Task Force (IITF ) publie The National Information Infrastructure: Agenda for Action. Il fournit une nouvelle vision de l’avenir à la nation américaine et sera le texte fondateur des ‘autoroutes de l’information’. Tout comme dans les années 60, les NTIC y sont présentées comme de puissants outils de réformes mais, cette fois-ci, pas seulement sociales mais aussi économiques. Bien sur le nouvelles technologies ne sont plus celle des années 60 : elles ont incorporé notamment les progrès des techniques de numérisation permettant le multimédia. A noter encore : il n’y a pas d’allusion directe aux villes dans cet Agenda.
Tableau 3 : Quelques dates clés dans l’histoire de villes virtuelles antérieure aux textes de l’Union européenne
années 1960 |
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années 1970 |
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1972 |
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1974 |
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1980 |
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1986 |
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1989 |
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1990 |
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1993 |
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P ar ailleurs, l’origine de ville virtuelles actuelles doit aussi se trouver en dehors des projets politiques ou industriels à l’échelle nationale ou internationale. En effet, dans les années 70, commencent à apparaître spontanément aux États-Unis, et plus particulièrement en Californie, des ‘réseaux de communautés’. De tel réseaux de télécommunication sont le fruit d’initiatives locales - souvent liées à une ville donnée. Ils furent généralement basés, au départ, sur une infrastructure locale. Pour la plupart, ils sont sans buts lucratifs et visent le renforcement de la communauté, la participation démocratique et l’accès de tous au réseau [Beamish 95].
En fait le tout premier réseau de communauté, Community Memory, est né en 1974 à Berkeley. Beamish [95] distingue différentes catégories de réseaux de communauté parmi lesquelles : les ‘Free-Nets’, les BBS (Bulletin Board Service) de voisinage et les réseaux subventionnés par les autorités locales. Le terme ‘Free-Net’ désigne actuellement spécifiquement les réseaux qui sont " membres du National Public Telecomputing Network (NPTN) et suivent ses politiques et procédures. " [Beamish 95 p. 5 du chapitre 2] Et, comme leur nom l’indique, ils offrent des services gratuits. Le premier BBS orienté vers une communauté fut créé en 1980 à Old Colorado City, le premier ‘Free-Net’ en 1986 à Cleveland, et le premier réseau de communauté subventionné par des autorités locales fut le PEN (Public Electronic Network) à Santa Monica en 1979.
Ajoutons encore que depuis 1994, date de création du Telecommunication and Information Infrastructure Assistance Program (TIIAP), les réseaux de communauté peuvent obtenir des subventions spécifiques du gouvernement américain dans le cadre de l’Agenda for Action évoqué ci-dessus. Ils acquièrent actuellement de plus en plus d’importance.
3.1. Commentaires généraux sur les textes de l’Union européenne relatifs à la société de l’information
Le Livre blanc intitulé " Croissance, compétitivité, emploi - Les défis et les pistes pour entrer dans le XXI e siècle " [C.C.E. 93] constitue un début de réponse au premier texte américain [U.S. Information Infrastructure Task Force September 93] : on voit que le délai d’attente n’a pas été très long !
Mais le véritable texte fondateur des autoroutes de l’information pour l’Europe est le Rapport Bangemann [94]. Ce texte, commandé par le Conseil européen à un groupe d’industriels, contient les affirmations suivantes [94 p. 4] : " La société de l’information : de nouvelles manières de vivre et de travailler ensemble... Dans le monde entier, les technologies de l’information et des télécommunications engendrent une nouvelle révolution industrielle, qui apparaît d’ores et déjà aussi importante et radicale que celles qui l’ont précédée... Cette révolution offre à l’intelligence humaine de nouvelles et considérables capacité, et modifie notre manière de vivre et de travailler ensemble. " Il faut souligner le caractère emphatique, utopique et déterministe de ce discours, imitant en cela l’Agenda for Action [93]. Par contre, il faut souligner que le rapport Bangemann se démarque du texte américain à deux niveaux. Tout d’abord, il est davantage centré sur les défis technologiques et économiques que sur les défis sociaux alors que l’Agenda américain considère explicitement les buts économiques et sociaux comme étant d’égale importance. Deuxièmement, le Rapport Bangemann est le seul à évoquer les villes et à les désigner clairement comme le lieu d’une application prioritaire pour les autoroutes de l’information (application n°10 intitulée " Autoroutes d’informations urbaines - Pour porter la société de l’information chez les particuliers ").
Le Plan d’Action de la Commission [94] avalise le Rapport Bangemann et présente les mêmes caractéristiques que ce dernier lorsqu’il affirme [94 p. 1b] : " La société de l’information est déjà parmi nous. La ‘révolution numérique’ entraîne une mutation structurelle comparable à la révolution industrielle du siècle dernier ; elle présente des enjeux économiques élevés. Le processus est irréversible et conduira, en définitive, à une économie fondée sur la connaissance. "
En 1996, la Commission des Communautés européennes commence clairement à renforcer, dans son modèle de société de l’information, les priorités sociales. Ainsi, par exemple, on peut lire dans [COM (96) 395 final p. 8] la considération suivante : " Les citoyens d’abord : La société de l’information offre des possibilités pour améliorer le mode de vie des individus et l’intérêt du public en général... Les nouvelles technologies peuvent en outre aider à surmonter les exclusions sociales... ".
Cette tendance à vouloir prendre davantage en compte, tout au moins dans les textes, la dimension sociale des autoroutes de l’information se précise en 1997, puisque la Commission [Com(97) 390 final p. 3 et 6] explique : " Il importe d’accorder, dans le cadre de l’action politique et du débat public, davantage d’importance aux dimensions sociales... il ne suffit pas d’intégrer la politique sociale dans la société de l’information mais il faut que cette dernière devienne un outil servant à promouvoir une société qui favorise davantage l’inclusion et l’apprentissage". La Commission [Com(97) 390 final p.8, 12 et 13] définit clairement qu’elle veut " une société de l’information pour tous ". Et elle ajoute [p. 10] que, via cette société, elle entend " renforcer la démocratie et améliorer les services publics ".
En revanche, les quelques indicateurs d’utilisation disponibles dans l’étude belge donne des informations moins optimistes. A en juger par les valeurs affichées aux compteurs de visiteurs existant, les sites Web dédiés aux communes ne sont pas très fréquemment visités. De plus, les rares forums de discussion entre utilisateurs qui sont proposés ne sont que très faiblement employés. Et, ceux qui les fréquentent sont presque toujours les mêmes. La question de l’utilisation de ces villes par les particuliers apparaît comme cruciale. Ceci souligne à nouveau la nécessité de se poser la question de la demande et des " attentes collectives " des utilisateurs en la matière. Quelle est pour eux la réelle valeur ajoutée de ces sites communaux/urbains et, a fortiori, quelle sera celle des autoroutes d’information urbaines préconisées par le rapport Bangemann [94 p. 29], en particulier " ... dans les domaines des loisirs (vidéo à la carte), des services transactionnels (banque, téléachat, etc. ...) "?
Tableau 4 : Identification de l’éditeur responsable et identification de l’organisme ou de la personne responsable du financement (selon l’éditeur)
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Autorités de la commune ou de la ville |
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1
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Fournisseurs Internet |
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1 |
Fournisseur Internet + association commerciale |
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Particuliers |
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Associations sans but lucratifs |
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1 |
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Entreprises spécialisées dans l’édition de sites touristiques |
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(1)
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Université |
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Jeune Chambre Économique |
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Total = 18 |
Mais revenons à l’offre et, plus particulièrement, à ses fournisseurs. L’analyse de l’échantillon belge révèle que les éditeurs responsables (cf. les deux premières colonnes du tableau 4) des sites sont très variés : autorités communales (dans le but d’améliorer leurs services, de promouvoir leur commune et de servir d’exemple et de modèle), fournisseurs Internet (afin d’y trouver un avantage commercial), particuliers (par passion personnelle), A.S.B.L. (associations sans but lucratifs), entreprises spécialisées dans l’édition de sites touristiques (pour répondre à une demande potentielle), université et Jeune Chambre Économique. La diversité de ces acteurs mise en évidence dans l’étude belge corrobore les propos du rapport Bangemann à ce sujet. En effet, à propos de l’application prioritaire (n°10) intitulée " Autoroutes d’informations urbaines - Pour porter la société de l’information chez les particuliers ", ce dernier explique [p. 29] : " Qui doit le faire ? Groupes de fournisseurs de contenu et de services (radiodiffuseurs, éditeurs), opérateurs de réseaux (télécommunications, câbles), fournisseurs/intégrateurs de systèmes (par exemple le secteur de l’électronique grand public). Les autorités tant locales que régionales, les groupements de personnes, les chambres de commerce et les entreprises joueront un rôle considérable... "
En particulier, les résultats de l’analyse de l’échantillon de 37 sites Web confirment l’importance des autorités communales dans l’élaboration des villes virtuelles. Il y a là réellement pour les administrations locales l’opportunité d’assurer un rôle nouveau [voir d’Iribarne 97 p. 10]. Il faut noter que les sites des autorités communales (en grisé dans le tableau 4) sont ceux qui peuvent être qualifiés d’officiels et qui reçoivent, généralement, en Belgique, un nom de domaine propre (voir la colonne en grisé dans le tableau A).
D’autre part, l’étude belge souligne bien le rôle des associations dans l’élaboration de villes numérisées, prévu dans le Rapport Bangemann. En fait, on peut considérer que cette observation s’inscrit aussi dans la droite ligne d’un mouvement plus vaste qui se fait jour en Europe : celui de l’Alliance Européenne des Réseaux Citoyens - European Alliance for Community Networking (EACN). Cette alliance fut créée en été 97 pour regrouper les associations des citoyens qui, tant au niveau des villes/communes que des régions européennes, naissent actuellement sur une base volontaire avec l’objectif de donner à tous l’opportunité de participer activement à l’élaboration de la Société de l’Information.
Le tableau 4 synthétise aussi les modes de financement des différents sites de l’échantillon en fonction de l’identité de l’éditeur responsable. Il met en évidence plusieurs cas de réalisation effective et spontanée d’un partenariat entre les secteurs public et privé. Cette constatation est de nature à réjouir la Commission européenne lorsqu’elle déclare, dans son ‘Plan d’Action’ (Com (94) 347 final, p. 12) : " La Commission prendra une série d’initiatives pour stimuler le partenariat entre... acteurs privés et publics ".
Qu’en est-il des contenus proposés ? Les domaines d’information les plus fréquents dans l’échantillon, sont, dans l’ordre, la promotion de la commune (présentation générale, infrastructures, culture, agendas), des annuaires (adresses d’intérêt général, adresses commerciales ou professionnelles, associations locales, adresses électroniques) et des informations administratives (administration communale, Collège Échevinal, Conseil Communal). Sont disponibles aussi des informations relatives à l’enseignement, aux bibliothèques, aux médias et des annonces à caractère économiques. Aussi bien les services interactifs que les offres d’hébergement, en relation avec ces domaines d’information, sont particulièrement rares. De même, les forums de discussion entre utilisateurs sont exceptionnels. En revanche, une voie de retour électronique vers l’éditeur ou le réalisateur technique du site existe pratiquement toujours. Mais au total l’interactivité offerte sur les sites est extrêmement faible. On peut conclure de ces observations que les sites communaux analysés peuvent faciliter la vie de citoyens et contribuer à l’amélioration des services publiques comme le préconise la Commission [Com (97) 390 final p.10]. En revanche, on peut se demander s’ils sont capables de répondre aux autres visées sociales que s’est fixée l’Union européenne en définissant son modèle de société de l’information : ces villes virtuelles de base sont-elles, en leur état actuel, de nature favoriser l’inclusion sociale et la solidarité, à activer la citoyenneté locale, à renforcer la démocratie et à contribuer au renouveau des pratiques de pouvoir ?
On a vu (cf. § 2) que le recours à une métaphore suggestive et à des projets politiques ambitieux impliquant les NTIC au niveau urbain s’est soldé jadis par un échec. Mais les conditions actuelles ne sont plus les mêmes : les techniques ont progressé, les acteurs impliqués (ou potentiellement impliqués) sont plus nombreux, l’ampleur du phénomène est plus globale et le battage médiatique est plus important. Va-t-on cette fois-ci récolter des résultats plus fructueux que dans le passé ? Toute prédiction dans ce domaine est particulièrement hasardeuse [cf. Dutton 94]. Et on peut réellement se demander quel va être l’impact de la métaphore actuelle des ‘autoroutes de l’information’ et de la politique de l’Union européenne sur l’évolution des villes virtuelles, en particulier, et de la société, en général. Allons-nous réellement assister à une révolution qui va modifier notre manière de vivre, comme le prévoit le Rapport Bangemann ?
Au total, les résultats de la présente confrontation des discours politiques de l’Union européenne et d’observations peuvent être perçus et interprétés de différentes façons. Les pessimistes estimeront que le trajet à parcourir par ces initiatives locales pour se conformer aux visions européennes est énorme, voire infranchissable. Les optimistes trouveront dans l’existence de ces initiatives spontanées une raison d’espérer.
Bangemann, M. et al. : L’Europe et la société de l’information planétaire - Recommandations au Conseil européen, CD-84-94-290-FR-C, Bruxelles, 26 Mai 1994. (Cf.: http://www.earn.net/EC/bangemann.html).
Commission des Communautés européennes : Livre blanc - Croissance, compétitivité, emploi - Les défis et les pistes pour entrer dans le XXIème siècle. Bulletin des Communautés européennes, Supplément 6/93, 1993.
Commission des Communautés européennes : Vers la Société de l’information en Europe - Un plan d’action, Com (94) 347 final, 19.07.1994.
Commission des Communautés européennes : La société de l’information : De Corfou à Dublin - Nouvelles priorités à prendre en compte / Les conséquences de la société de l’information pour les politiques de l’Union européenne, Com(96) 395 final, Bruxelles, 24.07.1996.
Commission des Communautés européennes : La dimension sociale et du marché du travail dans la société de l’information - Priorité à la dimension humaine - Les prochaines étapes, Com(97) 390 final, Bruxelles, le 23.07.1997.
d’Iribarne, A., Local Democracy and Information Society: the Citizens/Users as ICNT Co-Conceptors, Paper proposed for the INET’97 Conference, 24-27 Kuala-Lumpur, June 1997.
d'Udekem-Gevers, M. : Information Highways: a Threat to Democracy ?, in J. Berleur & D. Whitehouse eds., ‘An Ethical Global Information Society : Culture and democracy Revisited’, Proceedings of the l’IFIP WG9.2 Corfu International Conference, Corfu, Greece, May 8-10 1997, Chapman and Hall, pp. 249-260, 1997.
d’Udekem-Gevers, M. : Villes numérisées belges : Analyse d’un échantillon de sites francophones destinés aux particuliers, ‘Cahiers de la CITA’ AI 5, Institut d’Informatique, FUNDP, Namur, Belgique, à paraître.
d’Udekem-Gevers, M. : Belgian ‘Digital Cities’: A Sample of French-Speaking Websites, article proposé comme contribution à l’IFIP TC-9 World Conference HCC-5 (Fifth World Conference on Human Choice and Computers) on Computers and Networks in the Age of Globalization, 26-28 August 1998 Geneva.
d'Udekem-Gevers, M. & Lobet-Maris, Cl. : Ancien et Nouveau Mondes : des politiques différentes pour mener aux inforoutes, mis en accès direct comme texte de référence et base de discussion dans le Forum " nsnet-diplo - Internet Nord-Sud " du Monde Diplomatique (Voir http://www.ina.fr/CP/MondeDiplo/Forum/), septembre 1996
Dutton, W., Blumler, J; & Kraemer, K. : Continuity and change in conceptions of the wired cities, in Dutton, W., Blumler, J; & Kraemer, K. (eds) : Wired Cities: Shaping the Future of Communications (New York, G.K. Hall, pp. 3-26, 1987.
Dutton, W., Blumler, J; & Kraemer, K. : A comparative analysis, in Dutton, W., Blumler, J; & Kraemer, K. (eds) : Wired Cities: Shaping the Future of Communications (New York, G.K. Hall, pp. 456-486, 1987.
Dutton, W. : Driving into the Future of Communications? Check the Rear View Mirror, Paper delivered at ‘POTS to PANS: Social issues in the multimedia evolution from Plain Old Telephony Services to Pictures and Network Services, the BT Hintlesham Hall Symposium, Hintlesham, Suffolk, 28-30 March 1994.
Forum Sur La Société de l’Information : Des réseaux pour les citoyens et leurs communautés - Tirer le meilleur parti de la Société de l’Information dans l’Union européenne, Juin 1996.
Goldmark, P.C. : Communication and the Community, in Communication, A Scientific American Book, San Francisco: WH Freeman, 1972. (cité dans [Dutton 1987]).
Graham, S. & Marvin, S. : Telecommunications and the city - electronic spaces, urban places, Routledge, London and New York, 1996.
Graham, S. & Aurigi, A. : Virtual Cities, Social Polarization, and Crisis in Urban Public Space, Journal of Urban Technology, 19-52, Vol 4 Number 1 April 1997.
Gray, M. : Measuring the Growth of the Web - June 1993 to June 1995, 1995.
Groupe d’Experts de Haut Niveau : Construire la société européenne de l’information pour tous, Rapport final, Ce-V/8-97-001-Fr-C, Avril 1997.
Guérin, F. & de Tavernost, N. : Biarritz and the future of videocommunications, in Dutton, W., Blumler, J; & Kraemer, K. (eds) : Wired Cities: Shaping the Future of Communications (New York, G.K. Hall, pp. 237-254, 1987.
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U.S. Information Infrastructure Task Force : National
Information Infrastructure: Agenda for Action,Washington, DC, National
Telecommunications and Information Administration, September 1993 (cf.:
http://sunsite.unc.edu/nii/nii-table-of-contents.html).
Notes
2 Une liste, malheureusement non-exhaustive, des métaphores utilisées en anglais pour désigner les ‘villes virtuelles’, avec les références bibliographiques correspondantes, peut être trouvée dans [Graham 96 p. 9].
3 En Belgique, le commune est la plus petite division administrative. Au sein de grandes villes, certaines communes ont leur propre site web, indépendant du (ou des) site(s) de la ville elle-même. Certains gros villages ont aussi leurs pages web.
4 Chez certains auteurs, c’est le mot ‘métropole’ ou encore ‘village’ qui est utilisé dans l’intitulé de la métaphore.
5 Les ‘grounded virtual cities’ [cf. Graham 97] correspondent obligatoirement à des villes uniquement. La catégorie de villes virtuelles considéré dans cette article est donc plus large.
6 Il s’agit d’une compétition recompensée par des prix. Cf. http://www.stokholm.se/bm/1995-1996/bachallenge
7 Cf. http://www.edc.eu.int/about.html
8 De 1963 à 1968.
9 Voir à ce sujet [Goldmark 72].
10 " Development of the NII can help unleash an information revolution that will change forever the way people live, work, and interact with each other... "
11 " The benefits of the NII for the nation is immense. An advanced information infrastructure will enable US firms to compete and win in the global economy, generating good jobs for the American people and economic growth for the nation. As importantly, the NII can transform the lives of the American people - ameliorating the constraints of geography, disability, and economic status - giving all Americans a fair opportunity to go as far as their talents and ambitions will take them. "
12 Les résaux de communauté sont appelés en anglais ‘community network ou ‘community networking’, ...
13 Il faut remarquer que la plupart de ces réseaux de communauté anciens ont actuellement aussi leurs pages Web [Graham 97, p. 34].
14 On comprend qu’un tel réseau puisse aussi s’appeler ‘réseau civique’ (‘civic networking’).
15 Ce qui pourrait se traduire ‘Libertel’ en français si l’on adopte la vocabulaire utilisé par les Canadiens français pour désigner le ‘FreeNet’ d’Ottawa.
16 Voir à ce sujet [d'Udekem-Gevers 96] et [d'Udekem-Gevers 97].
17 Certains passages paraissent être une pure copie du texte américain de 93.
18 Ce type d’analyse donnent peu d’information sur les utilisateurs des sites et ne permet pas d’étudier les problèmes d’accès ni les différences d’accès selon les catégories sociales.
19 [voir d’Iribarne 97]
20 Ce site est compris dans les 4 sites, déjà mentionnés dans le tabeau 4, pour lesquels l’information relative au financement est gardée confidentielle.
21 Mais le réseau d’accès à Internet (BELNET), en amont du serveur est totalement financé par le SSTC.
22 Fournisseurs d’accès et/ou fournisseurs de services.
23 Cf. http://www.communities.org.uk/eacn/
24 Texte cité ci-dessus au §
3.1.
Villes/communes | Sites avec nom de domaine propre | Autres sites |
Andenne | http://www.colvert.be/andenne | |
http://www.promin.be/belvil/andenne | ||
Barvaux | http://www.promin.be/belvil/barvaux | |
Bastogne | http://www. bastogne.be | |
Beauraing | http://www.promin.be/belvil/beauraing | |
Braine-l’Alleud | http://www. braine-lalleud.be | http://www. braine-lalleud.com |
http://www. braine-lalleud.org | ||
Bruxelles | http.//www.bru.com/bru | |
http.//www.a-1.be/site | ||
Charleroi | http://www.charleroi.be | http://www.ping.be/cyberbubu |
Chaudfontaine | http://www.colvert.be/ chaudfon | |
Ciney | http://www.promin.be/belvil/ciney | |
Dinant | http://users.skynet.be/devuoli/dinant.htm | |
Genappe | http://www. genappe.be | |
Gendron | http://www.tornado.be/~cli | |
Huy | http://www.colvert.be/huy | |
Ittre | http://www.ittre.org | |
Jodoigne | http://ourworld.compuserve.com/homepages/de_meester_robert_jodoigne | |
Lasne | http://www.lasne.be | |
Liège | http://www.plug-in-liege.com | |
Louvain-La-Neuve | http://www.ac.ucl.ac.be/LLN | |
http://www.interweb.be/ahllln | ||
Mouscron | http://www.ping.be/~ping0193 | |
Namur | http://www.namur.be/citoyen | http://www.ciger.be/ namur |
http://www.promin.be/belvil/namur | ||
Nivelles | http://www.nivelles.be | http://www.nivelles.com |
Spa | http://www.colvert.be/spa | |
Tournai | http://www.honet.be/@t_home/tournai | |
Waterloo | http://www.waterloo.be | http://www.waterloo.org |
http://www.a-1.be/waterloo.com | ||
Wavre | http://www.wavre.com (Wavre on-line) | |
Woluwé-Saint-Lambert | http://www.woluwe1200.be |