L'amélioration de la relation entre l'administration
et les citoyens au niveau local : le cas des villes virtuelles
Béatrice van Bastelaer[1]
Résumé
Cet
article aborde la problématique des changements éventuels induits par
l'introduction des technologies de l'information et de la communication dans
les relations entre l'administration publique locale et les citoyens. Au sein
de ces relations, l'auteur s'intéresse à un aspect particulier, l'interactivité,
et plus particulièrement à la manière dont cette interactivité est
effectivement gérée dans les administrations locales. Pour illustrer son
propos, l'auteur s'inspire de quelques exemples de villes virtuelles belges.
Abstract
This
article is about the changes induced by the introduction of Information and
Communication Technologies in the relationship between local public
administrations and citizens. Within these relations, the article stresses one
specific aspect: interactivity, and more precisely the way interactivity is
managed by the local administrations.
Mots-clé
Villes
virtuelles, communes interactives, interactivité, administration locale,
réorganisation, citoyens
Dans
l’introduction du rapport du groupe VECAM "Démocratie locale et usages de
l’Internet" [Ministère délégué à la ville 99], les auteurs relatent que,
lorsque le Premier Ministre français Lionel Jospin a demandé aux citoyens et
associations de réagir à son programme "Préparer l’entrée de la France dans
la Société de l’Information", aucune autorité représentative ou délégative
n’a su gérer ou intégrer l’avalanche de remarques, contributions, commentaires,
orientations qui ont été envoyés par courrier électronique. Le rapport souligne
aussi que le même problème avait été rencontré par la Commission européenne
avec la mise en ligne du livre vert "Vivre et travailler dans la société
de l’information". Dans les deux cas, aucun processus de gestion de
l’interactivité n’avait été pensé et mis en place. Par rapport aux projets
internet municipaux proprement dits, Th. Vedel [2000] faisant référence aux
travaux de Pratchett rappelle que l'on constate "une adaptation
insuffisante des structures organisationnelles et institutionnelles"
et que "de nombreux sites créés par les villes suscitent (...) des
attentes et des exigences nouvelles auxquelles les services municipaux n'ont
pas été préparés" (pp. 258-259).
Cette
question est au centre de cet article. Celui-ci s’intéresse en effet à la
question de l'amélioration de la relation entre l'administration et les
citoyens au niveau local, c'est-à-dire via ce que l'on appelle les villes
virtuelles. Au sein de cette relation, il aborde donc un aspect particulier,
l'interactivité, et, plus particulièrement, la manière dont cette interactivité
est effectivement gérée par les administrations locales.
L'éclosion
des villes virtuelles en Belgique est un phénomène relativement récent, au Nord
[van Bastelaer 1999a] comme au Sud du pays [Steyaert 1999]. Alors qu'en 1997,
on recensait moins de 200 sites pour les 589 communes du pays, deux ans plus
tard, on dénombrait plus de 190 communes[2] présentes sur Internet sur
les quelque 280 que compte cette partie du pays[3] alors qu'en Flandre, le
chiffre montait à 160 sur 308. Dans les deux parties du pays, les résultats des
enquêtes menées sur le sujet sont relativement similaires [van Bastelaer
1999b].
En
résumé, en 1999, sur les nombreux sites existants, environ 1/5 en moyenne (15%
en région wallonne et 28% en région flamande) étaient des sites officiels du
type www.nomcommune.be, les autres
sites étaient par exemple le fait de particuliers, d'associations locales et
surtout d'organismes provinciaux[4] (organismes chargés du
développement informatique des communes, agences de promotion et de
développement économique, provinces) qui ont réalisé une page standard pour
toutes les communes de la province. Cette situation très contrastée influe sur
le contenu des sites et sur leurs objectifs .
Depuis
lors, le
gouvernement wallon a décidé d'inciter, par un subside de 200.000 BEF (environ
5000 euros), les communes wallonnes à développer un site communal d'information
orienté vers le citoyen [Ministère de la Région Wallonne 2000]. Ce site qui
comprendra des éléments d’information, de transaction et de communication doit
répondre à des exigences minimales de contenu.
Cette initiative vise principalement à développer les sites
"officiels" avec une vision un peu réductrice du concept de ville
virtuelle, à savoir principalement des administrations locales en ligne où la
place laissée aux différents acteurs de la vie urbaine, notamment aux citoyens,
est relativcment congrue, tendant à faire de ces villes virtuelles, des
"îles virtuelles" où l'administration locale est la seule à habiter
[Steyaert, 1999].
Dans
le domaine des TIC, l'interactivité est un concept un peu "bateau"
que l'on met à toutes les sauces sans trop savoir ce qu'il signifie
précisément. Les concepteurs de site, les offreurs de technologie mettent
souvent en exergue cette "qualité technique" d'Internet ([Loiseau
1999] et la présentent avec fierté comme une des valeurs ajoutées de leur
projet. Proulx et Sénécal [1996] soulignent que la définition de
l'interactivité n'est pas neutre : "les sens attribués à l'idée
d'interactivité font l'objet de luttes socio-sémantiques entre acteurs sociaux
impliqués dans le développement des techniques d'information et de
communication" (p. 143). Ils ajoutent que "les luttes
entourant la définition des termes mêmes d'interactivité et de démocratie par
les médias révèlent le jeu d'acteurs sociaux aux intérêts divergents et peuvent
dévoiler des enjeux sociaux importants" (p. 150). On pourrait ajouter
à cela que les chercheurs doivent également être considérés au rang de ces
acteurs sociaux et, concernant les enjeux en présence, qu'il ne faut pas
minimiser les enjeux organisationnels, comme nous le verrons par la suite.
A
notre sens [van Bastelaer 2000b], l'interactivité n'est pas seulement un
concept technique. Elle fait référence à un processus de communication et,
comme tel, doit être gérée. C'est la raison pour laquelle ce concept doit être
lié à la réorganisation de l'administration, c'est-à-dire à la manière dont le
fonctionnement de certaines administrations doit être repensé afin de gérer
l'interactivité, de même que d'autres caractéristiques d'Internet (compression
espace-temps, disponibilité 24h/24, temps réel et immédiateté, …).
L'interactivité
concerne une communication bilatérale dans laquelle différents niveaux doivent
être distingués [Rice 1987]. C'est la caractéristique d'une relation de
communication entre deux entités, A et B, qui prend place dans un contexte
spécifique [van Lieshout 1999, Hacker 1996]. Selon van Lieshout, l'aspect clé
de cette relation est que, si A envoie un message à B, ce dernier lui répondra
en tenant compte de sa demande initiale. Il ne s'agira pas d'un simple message
de confirmation. Pour Hacker, l'interactivité concerne donc la relation étroite
entre des messages dans une séquence de messages. Même si les caractéristiques
propres à chaque média ne sont pas neutres et induisent un processus de
communication particulier, l'interactivité ne peut être vue comme la
caractéristique d'un média proprement dit ; elle n'est pas "centrée
sur le média" (media-centred). Au contraire, selon van Lieshout ou
Hacker, l'interactivité caractérise le processus de communication lui-même ;
elle est donc "centrée sur la communication" (communication-centred). Pour I. Pailliart [2000], dans une
perspective de démocratie électronique, la caractéristique des nouvelles
technologies de l'information et de la communication est leur possibilité de
favoriser l'interactivité qui "offre des capacités d'intervention
directe des habitants dans la délibération ou le processus décisionnel :
déposer un avis, questionner le pouvoir local" (p. 135).
L'interactivité semble dès lors se caractériser par une relation immédiate, un
contact direct, dans ce cas précis, entre les élus et les habitants.
Une
interactivité centrée sur la communication implique que les forums de
discussion, le courrier électronique, les formulaires en ligne ont un potentiel
interactif qui peut se réaliser si et seulement s'ils sont effectivement
utilisés et si l'information qu'ils produisent est utilisée et gérée. Si ce
n'est pas le cas, l'interactivité réelle des applications est faible.
Selon
Serge Proulx et Michel Sénécal, la notion d'interactivité technique est souvent
liée avec l'interaction sociale : l'interactivité technique implique ou
crée nécessairement l'interaction sociale. En 1984 déjà, Mercier, Plassard et
Scardigli soulignaient qu'il était tentant de réduire l'idée d'interaction à
l'interactivité technique.
Cette
interaction fait référence à une idée de réciprocité dans la relation et de
résultat : la situation est en effet transformée suite à cette interaction.
Proulx et Sénécal soulignent que cette notion d'interactivité est souvent
introduite, comme un concept "miracle" dans les discours sur la
démocratisation des médias. Isabelle Pailliart [1993] fait le même constat :
l'idée d'interactivité est même utilisée à la place de la notion de démocratie
locale.
Dans
la vision dominante de pur déterminisme technologique, l'interactivité par
essence permet donc de démocratiser les médias ; elle permet aux
utilisateurs de devenir producteurs d'information, de s'exprimer et, donc,
d'accroître leur participation à la vie sociale. "Les possibilités
d'interactivité technique mettent en évidence la figure d'un habitant actif,
susceptible de s'impliquer dans les affaires locales" et de se
transformer "en citoyen actif et responsable" [Pailliart 2000,
p. 136]. Pour Proulx et Sénécal, il va cependant de soi que l'interactivité
n'est pas une condition suffisante pour améliorer la démocratie. Mercier,
Plassard et Scardigli précisent aussi que l'interactivité n'est qu'une des
potentialités offertes par les nouvelles technologies et, en 1984 (!), rien
n'indiquait qu'elle se développerait plus que les autres.
Quelle
que soit la définition que l'on donne à l'interactivité, cet élément a une
importance cruciale dans la construction d'applications utilisant les tic. Les choix posés en termes
d'interactivité révèlent la conception prévalant au niveau de la communication
de même que la place que l'on souhaite laisser aux utilisateurs, dans ce cas
surtout les citoyens [Pierson 2000].
Dans
de nombreux exemples[5], les potentialités de la
technologie multimédia sont sous-exploitées : l'interactivité réelle est encore
faible, la culture Internet ou, en tout cas, une certaine connaissance de ses
caractéristiques comme la compression espace-temps sont encore fort absentes.
Le
manque d'interactivité est étonnant quand on analyse les discours sur les
technologies de l'information et de la communication en général ou sur Internet
en particulier, dans lesquels ces technologies sont présentées comme
interactives par essence. Comme le soulignent Proulx et Sénécal, "la
rapidité avec laquelle on adjoint - dans les discours - le terme interactif à
diverses techniques médiatiques, sans pour autant en donner un sens précis,
indiquerait que, bien souvent, son utilisation relèverait davantage d'une
astuce de vente que d'une description adéquate de la technologie mise en place
" (p. 150).
La
plupart du temps, Internet est pourtant utilisé comme un simple terminal
d'information [Kunzmann 1998], comme un moyen unilatéral et vertical de
diffuser de l'information [Hacker 1996] ou comme une entrée dans une base de
données [Tambini 1998]. Stephen Graham et Alessandro Aurigi [1997] confirment
cette tendance : "une caractéristique commune à plusieurs villes
virtuelles semble être une relative uni-directionnalité et un manque
d'opportunités pour une interaction pure et des communications"
(p. 37).
Les
études menées par la CITA sur les villes virtuelles en Belgique vont dans la
même direction, même si l'étude réalisée en 1999 souligne que de plus en plus
de villes et communes virtuelles en Belgique francophone proposent des
formulaires administratifs et un contact direct via le courrier électronique.
Néanmoins, comme indiqué plus haut, la mise à disposition de formulaires
électroniques ne signifie pas automatiquement que le site est interactif. Il
sera important de voir quel traitement sera effectué sur base de ces
formulaires et si la demande exprimée par l'utilisateur sera rapidement et
correctement traitée.
Quant
aux forums de discussion, ils sont encore peu présents sur les sites, dont les
sites belges, notamment parce que certains s'interrogent sur leur réelle
utilité, la fréquentation de ceux-ci étant encore très faible. Selon un des
participants à la première Rencontre Réelle de Villes Virtuelles organisée aux
Facultés de Namur en juin 1998 [van Bastelaer 1998], on donne l'occasion aux
citoyens de s'exprimer mais ils ne saisissent pas l'opportunité.
La
sous-exploitation des potentialités multimédia des tic semble donc être observée dans différents cas. Il importe
d'essayer d'en comprendre les raisons. Théoriquement, cela pourrait s'expliquer
par l'absence d'applications ou de logiciels utilisant effectivement ces
potentialités multimédia. Cela ne semble cependant pas être le cas. Cette
sous-exploitation paraît davantage s'expliquer par un manque d'imagination
quant à ce qu'il est possible de faire concrètement ou par la difficulté à
appliquer des caractéristiques techniques à une réalité sociale et
organisationnelle parfois complexe.
La
réflexion sur la gestion de l'interactivité dans et par les administrations
locales nous semble cruciale pour des raisons de "stratégie" mais
également de cohérence.
L'interactivité,
comme nous l'avons définie plus haut, fait clairement référence au processus de
communication bilatérale entre l'administration et les citoyens, à ce dialogue
que de nombreux discours, notamment en Belgique [De Vos 2000] mais pas
seulement, disent vouloir rétablir. Dans le cadre donc de ces politiques de
modernisation de l'administration et d'amélioration de la relation entre
administration et administrés, il est primordial de ne pas négliger la gestion
de ce dialogue, de cette communication, c'est-à-dire la gestion de
l'interactivité.
Au
niveau de la cohérence, la réflexion va dans le même sens. Si les
administrations locales prennent la peine d'investir des ressources humaines et
financières dans le développement de sites orientés vers les citoyens, elles ne
peuvent faire l'économie de la gestion qui doit accompagner ces sites, sous
peine que les citoyens ne se rendent vite compte que le projet reste au stade
du discours, qu'il n'est pas suivi de faits concrets et que, dès lors, ils ne
se détournent du site. En effet, il est hautement préférable de ne pas donner
la possibilité aux citoyens de contacter directement les services communaux ou
les fonctionnaires, de même que les élus, plutôt que de ne pas répondre à leur
demande.
Cette
question de la gestion de l'interactivité comprend deux sous-questions :
que faut-il gérer et comment doit s'organiser la gestion ?
De
manière générale, les villes virtuelles contiennent trois éléments dont
l'importance est variable selon les cas : des informations, des possibilités de
transaction et des possibilités de communication.
Les
informations peuvent être de différentes natures : administrative, politique,
pratique, économique, touristique, culturelle, sociale, ... Même si la
maintenance de ces informations exige une attention certaine et une gestion en
conséquence, la mise à disposition d'informations sur le site d'une ville virtuelle
ne rentre pas dans la définition de l'interactivité. Nous ne nous attarderons
pas dans cet article sur la question de la gestion des informations, bien
qu'elle soit primordiale. Cette question pourrait faire l'objet d'un article à
elle seule.
L'aspect
"transaction" va plus loin que la simple mise à disposition
d'informations. L'implication de l'utilisateur est plus importante ; il ne
s'agit plus seulement de chercher une information mais d'effectuer une commande
ou une réservation. Par rapport à une ville virtuelle, il s’agit notamment de
permettre de commander électroniquement des documents administratifs, de
commander d'autres types de documents, de remplir différents formulaires, de
nature administrative, mais pas nécessairement, et d'effectuer des réservations
diverses.
Au
niveau de la communication, on pense à la communication de la commune vers les
citoyens via le courrier électronique mais éventuellement aussi des citoyens
entre eux directement par courrier électronique ou par le biais de forums de
discussion, c'est-à-dire à divers éléments susceptibles de contribuer à une
certaine démocratie locale[6].
Selon
notre définition, seules les transactions et les communications ont un
potentiel interactif qu'il va falloir gérer. Afin de parvenir à une gestion
efficace, il est nécessaire de préparer l'administration, de définir les
principales tâches de gestion et de désigner des responsables pour ces tâches.
Dans
le cas des transactions, il s'agit de déterminer comment ces demandes
électroniques seront traitées : y aura-t-il un service central de traitement
des procédures/commandes électroniques ou une personne responsable qui sera
chargé(e) de contacter les services concernés ? Au contraire, les
commandes seront-elles directement reçues par ces services ? Au niveau des
possibilités de communication, c'est principalement le courrier électronique
qu'il faut gérer.
De
manière générale, il est nécessaire de déterminer si la gestion va s'effectuer
de manière centralisée ou décentralisée ou selon une solution mixte.
En
ce qui concerne les transactions, comme les communications via le courrier
électronique, une gestion centralisée implique un service ou une personne
responsable des contacts avec les citoyens, ou plutôt, intermédiaire dans les
contacts entre les services administratifs et les citoyens.
Pour
les transactions, cela signifie qu'un service central reçoit les demandes
électroniques en provenance des citoyens, envoie éventuellement un message de
confirmation au demandeur, vérifie le paiement le cas échéant, contacte le
service concerné en lui demandant d'envoyer le document demandé et signale au
demandeur que le document a été envoyé. A Chaudfontaine, par exemple, la
commande est reçue par un service central, le service InfoComNet, du nom du
projet de site communal de Chaudfontaine. Ce service se charge d'envoyer le
message de confirmation et la référence de la demande au "client". En
même temps, il fait suivre la demande au service concerné qui se charge
lui-même de la vérification du paiement, par PC Banking et de l'envoi. A Namur,
toute la procédure est directement traitée par le chef du service Etat civil de
même qu’à Ans où les demandes sont reçues par le service concerné qui vérifie
le paiement avant l’envoi du document demandé.
Pour
le courrier électronique, on peut ne proposer qu'une seule adresse et faire
suivre les demandes reçues aux différents services concernés plutôt que de
permettre de contacter directement ces services. Il s'agit en fait de ne
proposer qu'un seul interlocuteur électronique aux citoyens qui leur garantit
le traitement de leur demande. Pour faciliter la gestion, cet interlocuteur
peut tenir un registre du courrier électronique entrant et sortant de manière
similaire à ce qui se fait pour le courrier papier traditionnel.
Cette
solution centralisée présente un certain nombre d'avantages et d'inconvénients.
Au niveau des avantages, elle simplifie la démarche pour les citoyens et
maximise le taux de réponse aux demandes reçues électroniquement car ces
réponses ne dépendent que d'une seule personne ou d'un seul service qui en est
explicitement responsable. Au niveau des inconvénients, cette tâche peut
rapidement s'avérer lourde à gérer si le volume de demande est important. En
outre, le responsable du guichet unique doit s'assurer que les autres services
répondent rapidement à la demande. Ceux-ci pourraient ne pas apprécier cette
"intrusion" dans leur travail et ne pas toujours être enclins à
collaborer rapidement.
A
contrario, dans le mode décentralisé, les services sont directement
responsables du traitement des transactions électroniques et de la réponse au
courrier électronique. A Mons, par exemple, la commande est reçue par le
service Etat civil/Population. Un message de confirmation est envoyé
automatiquement . L'effectivité du paiement est également vérifiée
directement par le service concerné sur la base des extraits de compte.
Les
avantages et les inconvénients sont exactement opposés à ceux de la solution
centralisée. Répartition de la charge de travail sur différents services et
responsabilisation de chacun de ceux-ci d'un côté, risque de non-réponse et
opacité potentielle de la démarche pour les citoyens de l'autre.
On
constate de plus en plus qu'une solution mixte est adoptée par les communes ou
que celles qui, comme à Charleroi, avaient au départ opté pour une solution
centralisée se dirigent progressivement vers l'option de décentralisation,
notamment vu la lourdeur de la tâche. Le mode centralisé peut donc être vu
comme une première étape qui peut être abandonnée quand la formation du
personnel et sa sensibilisation aux questions de gestion de l'interactivité
sont suffisamment développées.
Dans
le cas d'une solution mixte, la procédure peut être scindée. Pour les
transactions, la réception de la commande électronique, l'envoi du message de
confirmation et de la référence et la vérification du paiement peuvent se faire
en un seul lieu, éventuellement au sein d'un service central de traitement des
procédures électroniques. Une fois le paiement confirmé, la demande est envoyée
au service concerné qui prévient le service central de traitement des
procédures électroniques de cet envoi. On pourrait éventuellement concevoir un
registre, papier ou électronique, relatif aux procédures électroniques, pour
garder une trace des différentes étapes de celui-ci.
Au
niveau du courrier électronique, les messages sont reçus à une adresse centrale
qui les fait suivre vers les services concernés directement responsables de
leur traitement. Le citoyen n'a qu'un interlocuteur électronique initial, mais
cela implique éventuellement un certain contrôle de l'effectivité de la réponse
apportée par les différents services.
Certaines
communes wallonnes ont opté dans un premier temps pour une gestion centralisée
avec l'optique de décentraliser la gestion par la suite. C'est le cas de
Seneffe ou de Charleroi. Erik Morren, responsable du projet "Seneffe
l'Interactive", expliquait, lors de la deuxième Rencontre Réelle de Villes
Virtuelles organisée aux Facultés de Namur en juin 1999 [van Bastelaer 1999c],
qu'à terme, Seneffe envisageait l'arrivée du courrier électronique le plus loin
possible dans la commune et donc, idéalement, directement vers les
fonctionnaires concernés, mais que le courrier électronique avait été provisoirement
centralisé, essentiellement pour des raisons techniques . Au cours de cette
deuxième Rencontre, Bernadette Martin, chef du service Etat civil/Population de
l'administration de la Ville de Charleroi, expliquait pour sa part que, pendant
longtemps, une seule personne, qu'elle a qualifié de "personne
interface", centralisait toutes les questions, était chargée ensuite de
collecter les réponses et de répondre elle-même à toutes les demandes [van
Bastelaer 1999c]. Par la suite, la demande formulée a été automatiquement
transférée au centre opérateur responsable. Elle soulignait cependant la
crainte que le centre opérateur puisse ne pas être intéressé ou concerné par
l'urgence de certains dossiers. A son avis, une solution résidait dans la
"surveillance des personnes à risque" sans préciser davantage ce
qu'il fallait entendre par ce terme.
Les
villes virtuelles présentent certainement des possibilités intéressantes en
termes d'amélioration de la relation entre administration et administrés.
Cependant, les applications techniques ne peuvent être pensées en-dehors de
leur contexte de développement et les potentialités que les tic recèlent dans le domaine doivent
être effectivement gérées pour produire tout leur effet. L'importance
stratégique de cette gestion a été soulignée.
C'est
pourquoi une prise en compte par les responsables administratifs des conditions
organisationnelles nécessaires à une intégration efficace des tic au sein de l'administration locale
est indispensable. Cette gestion peut se faire de manière centralisée,
décentralisée ou mixte. Chaque solution présente ses avantages et ses
inconvénients et la gestion centralisée peut être perçue comme la première
étape vers la décentralisation une fois que les services administratifs sont
suffisamment formés et sensibilisés à ce nouveau type de relation avec les
citoyens.
Néanmoins,
il importe de garder à l'esprit que la gestion de l'interactivité de même que
le souci de rendre le travail des administrations le plus transparent possible
ont des limites car, comme le rappelle Dominique Wolton [1999], les tic recréent une certaine bureaucratie
et une totale transparence sociale est impossible.
"Et rien ne serait
plus faux que d'imaginer une société où la bureaucratie aurait disparu dès lors
que chacun pourrait tout faire à partir de son terminal. C'est oublier
les leçons de l'histoire : les hommes, les organisations, les institutions
inventent sans cesse des processus bureaucratiques parce que la transparence
sociale est impossible. Chacun, malgré les discours qui prônent des relations
plus directes, introduit néanmoins des intermédiaires bureaucratiques, des
filtres, des règles, des interdits, des signes de distinction pour protéger sa
relation avec autrui. Les relations sociales se simplifient ici pour
s'obscurcir ailleurs, comme si les individus qui ne rêvent et ne parlent que de
transparence et de relations directes, ne cessaient d'inventer, simultanément,
de nouvelles chicanes, de nouveaux écrans, de nouvelles sources de hiérarchies.
Ce que l'écran permettra de
simplifier, et de rendre plus direct et transparent d'un côté, sera au
contraire plus réglementé, plus fermé et plus codé de l'autre. Les sociologues
l'ont bien montré : plus il y a de transparence, plus il y a de rumeurs et
de secrets. Tout simplement parce qu'il n'y a jamais de rapports sociaux
transparents"
(p. 109)
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A., de Baenst-Vandenbroucke, A., Dessé, R., Dieng, D.) : Compte-rendu
de la deuxième Rencontre Réelle de Villes Virtuelles. Juillet 1999.
Disponible sur le Web à l'adresse http://www.info.fundp.ac.be/~cita/evenements/2RR/compte-rendu2.html
[1999c]
van Bastelaer, B., Henin, L., Lobet-Maris, Cl. : Villes
virtuelles. Entre Communauté et Cité. Analyse de cas. L'Harmattan, Paris,
2000. [2000a]
van Bastelaer, B., Lobet-Maris Cl. : Chapitre
7. Analyse : difficultés de gestion, modèles de développement et
interactivité. In : Villes virtuelles. Entre Communauté et Cité.
Analyse de cas (van Bastelaer, B., Henin, L., Lobet-Maris Cl.), 207-243,
L'Harmattan, Paris, 2000. [2000b]
van Lieshout, M. : The
Digital City of Amsterdam: Between public domain and private entreprise. In : Social Learning regarding Multimedia
Developments at a Local Level. The case of Digital Cities, (van Bastelaer, B.,
Lobet-Maris, Cl., ed), Final version of the integrated study on the public
sector, FUNDP Namur, July 1999.
Vedel, Th. : L'internet et
les villes : trois approches de la citoyenneté. In : Hermès, www. démocratie locale.fr. Numéro
26-27, 247-262, CNRS Editions, Paris, 2000.
Wolton, D. : Internet et après? Une théorie
critique des nouveaux médias, Flammarion, Paris, 1999.
[1] Coordinatrice de recherches, Cellule Interfacultaire de Technology Assessment (CITA), Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur (Belgique), Tél. +32 81 72 49 94, Fax. +32 81 72 49 67, courriel : bvb@info.fundp.ac.be, site web de la CITA : http://www.info.fundp.ac.be/~cita.
[2] Mais 260 sites car certaines municipalités sont présentes sur plusieurs sites, des sites "officiels" du type www.nomcommune.be et des sites "non officiels".
[3] 262 communes wallonnes et 19 communes de la Région Bruxelles-Capitale.
[4] En plus de ces trois régions (Région flamande, Région wallonne et Région de Bruxelles-Capitale) et de ces trois communautés (Communauté flamande, Communauté française et Communauté germanophone), la Belgique compte dix provinces.
[5] Voir les quatre cas présentés dans l'ouvrage de van Bastelaer, B. [2000a]. Voir aussi van Bastelaer, B. [1999a] à propos des villes virtuelles en Belgique francophone, Steyaert, J. [1999] concernant les villes virtuelles en Belgique néerlandophone, Nunn, S., Rubleske, J.B. [1997] à propos des principales villes virtuelles des Etats-Unis, Schmidtke, O. [1998] quant au projet Berlin in the Net, Kunzmann, K.R., Brödner, H.B., Rücker, A. [1998] en ce qui concerne les villes virtuelles allemandes en général ou encore Tambini, D. [1998] à propos d’IperBolE à Bologne.
[6] Notre but n'est pas ici de nous attarder sur ce concept de démocratie locale. Le lecteur qui souhaite approfondir cette question lira avec intérêt le numéro spécial de la revue Hermès, www.démocratie locale.fr, consacré à la question, de même que l'étude de Gérard Loiseau sur la démocratie locale dans les grandes villes françaises [Loiseau 1999].