Directrice de la rédaction du Courrier de
l’Internet citoyen
Journaliste responsable Web Politique à l’Hémicycle
Réseaux
électroniques : plus qu’une technologie le signe d’une révolution profonde
de la société humaine
Le
virtuel, le cyberespace, le multimédia, le numérique sont les signes d’une
révolution profonde, amorcée de longue date, qui déjà traverse la société de
part en part. Les équilibres de pouvoir, les équilibres d’échanges, les
équilibres de temps de vie sont en question.
L’éducation
(scolaire, continue, populaire), le travail (temps rémunéré, temps choisi), la
santé (publique et privée), la famille (composée, recomposée), le temps libre
(loisirs, vacances de l’esprit et du corps) sont touchés, percutés par ces
technologies qui les pénètre d’une manière souvent anarchique. Cet
“ impact ” ne tient compte, à priori, d’aucune distinction socioprofessionnelle
ou générationnelle.
Il agit en
profondeur, en destructurant définitivement les mentalités fondatrices des
modes d’organisation usuels.
Le réseau
Internet est un modèle horizontal de la circulation de l’information. Il remet
profondément en cause les structurations vertical, pyramidales, de nos
organisations.
Ces
habitudes amènent un quiproquo sur
la manière d’aborder ces technologies.
Il y a une
vision dominante qui se contente de plaquer ces outils “par le haut” en “ top down ”, sur la société
telle qu’elle est, quelque soit sa diversité. Entreprises, commerce, équilibres
économiques internationaux, en sont à la fois les porteurs et les premiers
sujets. Cette approche méconnaît l’ampleur des mutations sociales qui sont en
cours et continue de privilégier une piste réductrice uniquement orientée sur
la croissance de l’économie de marché.
Or les NTIC, et à
fortiori les réseaux électroniques et
Internet, ne peuvent être assimilées à des technologies parmi d’autres. Car
elles interviennent partout où les hommes manipulent et échangent des signes
(textes, images, sons, données). Autrement dit dans la quasi-totalité des
activités humaines depuis le monde du travail jusqu’à celui de la vie de la
cité, en passant par la formation, la culture, la santé,...
Elles concernent ainsi
tous les hommes parce qu’en modifiant profondément leurs façons d’échanger,
elles bouleversent leurs manières de vivre ensemble, de s’organiser, de
produire.
Une organisation
horizontale des structures décisionnelles et opérationnelles
Il va s’agir, pour
ceux qui sont conscients de ces processus, de développer des stratégies
d’appropriation des usages et de développement des outils, qui se fasse en
“bottom up ” : du bas vers le haut : par les utilisateurs eux même,
qui sont alors en position de décideurs.
Ainsi l’internaute
n’est plus un consommateur passif (comme un télé-spectateur) mais est un
citoyen actif , créateur de contenu (un télé-acteur) co-producteur,
co-développeur, de son activité ou de
ses activités.
C’est notre
représentation du monde qui est en question, c’est notre intelligence, au sens notre compréhension, du monde et de
nos sociétés.
Encore une fois,
il n’y a pas de déterminisme
technologique. Les NTIC ne créent pas à elles seules du lien social. Imposées
par le haut, elles n’y réussissent de toute façon pas.
Comme on l’a vu elles
doivent s’enraciner dans un “ humus ” culturel et social. Ce ne sont pas les techniques seules mais
les citoyens qui ouvrent la voie à une véritable innovation des
pratiques de la vie quotidienne.
Le paradoxe est que
les organisations : entreprises,
état, associations, doivent d’abord
elles-mêmes se transformer ,sur un modèle de fonctionnement participatif et en
réseau, pour pouvoir pleinement utiliser profiter des opportunités offertes par
les réseaux électroniques.
On n’hésite plus à
parler de “révolution
informationnelle”.
Pourtant c’est en
premier une mutation “ organisationnelle ” qui touche les entreprises, les villes, les états, ... Elle
provoque la remise en question de nombreux pouvoirs, elle donne plus
d’importance aux initiatives locales de terrain, elle oblige à repenser des
pratiques démocratiques plus participatives et à inventer une citoyenneté plus
active.
Un
enjeu politique fondamental
Il
n’y a donc aucune fatalité, mais bien la place pour un débat sur les choix politiques à faire pour que la
technologie favorise des usages suscitant de nouvelles créativités, renforçant
le lien social et les processus d’intelligence collective.
L’enjeu
est donc plus politique que technologique.
C’est au
politique d’orienter la conception et l’usage des technologies et non d’adapter
un cadre réglementaire et législatif pour en colmater les effets plus ou moins
inattendus.
Et le
politique est bien souvent désemparé comme l’est le monde économique classique.
Un
tel processus ne se fait pas en un temps, tout ne se transforme pas sans heurts. Même les fameuses
“ start-up ”, quand elles marchent, reviennent des modes
d’organisation du travail tout à fait classique : pouvoir centralisé et souvent unilatéral,
salariés non représentés, avec une certaine marge d’autonomie mais sans
véritable place pour l’expression de
leur créativité.
A
l’échelle internationale, non plus,
Internet ne tient pas sa promesse toujours utopique de réseau global.
C’est tout au plus un réseau occidental et surtout le réseau d’une élite, qui
là encore trouve un outil pour développer son confort et sa richesse, au mieux
sans considérer ceux qu’elle laisse de côté, au pire en accélérant leur “paupérisation” économique, et plus grave
leur paupérisation culturelle.
Les Etat,
les pouvoirs politiques ont donc là plusieurs devoirs :
Devoir de
réfléchir avec les acteurs économiques porteurs de la technologie et des choix
de diffusion des contenus pour ne ne pas jouer de la solitude des personnes, de
l’isolement des groupes, du morcellement de l’individu en cibles
commerciales,….
Devoir
d’impliquer la société civile dans la réflexion et notamment le tiers secteur
associatif, acteur majeur du développement d’usages créatifs de la technologie
appliqués aux des besoins des citoyens.
Devoir de
ne pas mettre en place une Société de l’Information qui viendra ajouter d’une manière dramatiquement
transversale, de l’inégalité là où elle
existe déjà et pire d’en ajouter
là où elle est moins présente
(notamment dans l’organisation du travail).
Devoir de
mettre l’accès au savoir offert par internet à la portée de tous.
Devoir de
développer un accompagnement à l’auto-création de contenus lors de la
généralisation de l’accès aux usages de l’outil.
Devoir de
développer le débat politique de proximité en permettant un accès aux usages
équitable, permettant un débat informé et des propositions réfléchies.
Devoir
d’imaginer avec les acteurs locaux une démocratie plus participative et une
citoyenneté plus active.
Contrairement
aux développement commerciaux de l’Internet, le développement de l’Internet
citoyen nécessite des réseaux humain historiquement forts et structurés pour
bâtir une logique d’expression et d’action citoyenne porteuse d’innovation
sociale. Les villes sont les territoires appropriés pour penser, expérimenter
et diffuser ces formes de développement social.
Avec
ces réseaux humains identifiés, reliés par des systèmes d’auto-cartographie
dynamique, on construira une collaboration citoyen-polique-économique qui
permettra :
-
l’évaluation
des besoins
-
l’ouverture
d’accès public dans des lieux existants
-
l’accompagnement
à l’appropriation des usages permettant la création de contenus spécifiques aux
besoins de chacun
-
un
service public et une administration transparents
-
le
co-développement d’usages propres à l’identité locale
-
l’observation
et l’adaptation des choix politiques
Près
de 300 villes françaises (et de nombreuse villes étrangères) donnent en exemple
des actions de ce type.
Parmi
les premières actions pour le développement de l’Internet Citoyen dans les
villes françaises il s’agit de mettre en place les éléments fondateurs suivants
:
-
Débats
thématiques et permanents avec les acteurs économiques, associatifs,
universitaires ( les Cercles de l’Internet Citoyen en ligne et hors ligne)
-
Elus
“ citoyenneté et TIC ”
responsables du développement de proximité de l’internet pour tous
(observation, action, proposition).
-
Identification
et soutien aux pionniers locaux de l’Internet citoyen
-
Mise
en réseau des acteurs locaux : le portail des acteurs locaux ( mise à
disposition de pages sur le site de la ville pour les entreprises, les
associations, les artistes, les citoyens actifs, les chercheurs, ... ;
création d’espaces collaboratifs thématiques ouverts ou privés ; jumelages
locaux ...)
-
Equipement
multimédia avec personnel d’accompagnement (ou aide pratique et financière à
l’équipement) de tous les lieux publics
ou services déconcentrés de la ville (bibliothèques, centres sociaux, ANPE,
associations subventionnées, espaces culturels, MJC, BIJ, hôpitaux, écoles,...)
-
Plan
d’aide à l’équipement des foyers (en commençant par les quartiers défavorisés).
-
Développement
de Centres Multimédia d’éducation populaire (Ateliers du savoir et de la
création)
-
Outils
d’observation et d’évaluation de proximité dans les lieux de pratique.
-
Formation
des élus et des personnels territoriaux
-
Développement
de l’administration en ligne et diffusion des services publics interactifs.
-
Rencontres
permanentes élus et acteurs locaux de l’ensemble du pays, de la région, du
département.
-
Accompagnement
de la “ i-décentralisation ” et lutte contre l’enclavement
-
Echanges
d’expériences avec les villes européennes et internationales “ Internet
Towns ” ou Cités intelligentes.
-
Communication
et mise en consultations des choix pour la Ville Internet, en ligne et hors ligne
(médias classiques).
L’Internet citoyen est l’opportunité de
la synthèse entre les acteurs
économiques, associatifs et politiques, sans laquelle les évolutions
fondamentales ne pourront se produire.
Dans un pays où l’Etat a su donner l’impulsion
pour le développement d’une véritable Société de l’information , les villes se
doivent d’être les territoire spécifiques du développement de la révolution
informationnelle.
C’est là un enjeux historique et
universel pour la défense de l’intérêt général.