Logiciels
libres et normes ouvertes pour l’apprentissage en ligne :
conditions de mise en œuvre
Michel Arnaud*
Le Plan d’action du Sommet mondial sur la Société de l’information (SMSI)
précise que “les gouvernements, en coopération avec les autres parties
prenantes, devraient promouvoir l'élaboration et l'utilisation de normes
ouvertes, interopérables, non discriminatoires et établies en fonction de la
demande” (Plan d’action § 13 p). Les instances de
normalisation ont le plus souvent un statut d’ONG internationale si ce n’est
d’entreprise sans but lucratif et un mode de fonctionnement s’apparentant à la
gouvernance. Elles valident des standards de fait. La prédominance des grands industriels est patente dans
l’élaboration de ces standards de fait. La proposition de normes ouvertes correspond à la mise en place d’outils
de régulation. Les communautés de
développeurs de logiciels libres pourront s’impliquer dans le processus de
normalisation à condition qu’elles soient soutenues par les pouvoirs publics.
Les normes ouvertes font partie du bien commun parce qu’elles participent au développement durable mieux réparti sur la planète
The Plan of
Action of the World Summit on the Information Society (WSIS) specifies that
‘governments, in cooperation with other stakeholders, should promote the
development and use of open, interoperable, non-discriminatory and
demand-driven standards (Plan of Action § 13 p). Standard bodies are most of
the time international NGOs or have a non for profit legal status as well as a
functioning mode close to governance. They validate de facto standards. The
predominance of major software publishers is obvious in the validation process
of de facto standards. To propose open standards means to install regulation
tools. Communities of open source software developers could be involved in the
standardisation process, provided they are supported by public institutions.
Open standards are part of the common welfare because they participate to a
sustainable development better distributed across the earth.
L’Union Internationale des Télécommunications (UIT),
soutenue par l’ensemble des Etats et du système des Nations Unies, a pris
l’initiative d’organiser un Sommet
mondial sur la Société de l’information (SMSI). A l’instar des autres Sommets,
celui de Genève a adopté, comme le lui demande l’Assemblée générale des Nations
Unies, une Déclaration et un Plan d’action. Le triptyque de la régulation, du
marché et du volontariat fonde le principe de la “ nouvelle gouvernance de
la société de l’information ”. Elle est servie par les exigences relatives
à la démocratie, la transparence, la responsabilité qui fondent la bonne
gouvernance. Le rôle des Etats est conçu comme essentiellement incitatif
en vue de la création d’un fort secteur privé dans les télécommunications et
les éditeurs de contenus en ligne. Les applications destinées au
cyber-gouvernement, au télé-enseignement, à la télé-santé et au commerce
électronique sont prioritaires à cet égard. Sont du ressort des Etats, la
promotion de l’esprit du service public, le financement des efforts de R&D
dans le domaine, la coordination des partenariats, la promotion de l’économie
de marché. Quant au secteur privé, il “ assure le développement rationnel
et durable des infrastructures, des contenus et des applications ”. Enfin
le rôle de la société civile, y compris les ONG, est de collaborer
“ étroitement avec les communautés pour renforcer les initiatives prises
dans le domaine des TIC ”.
Parmi les propositions d’actions, figurent le
développement des infrastructures des TIC au niveau régional pour éviter
l’effet de réseau en étoile, une gestion d’Internet multilatérale, démocratique
et transparente, l’accès facilité à l’information relevant du domaine public.
D’autre part, des propositions sont faites pour à la fois lutter contre la
cybercriminalité et protéger les données personnelles. Enfin, “les
gouvernements, en coopération avec les autres parties prenantes, devraient
promouvoir l'élaboration et l'utilisation de normes ouvertes, interopérables,
non discriminatoires et établies en fonction de la demande ” (Plan
d’action § 13 p).Cette contribution se penche sur les conditions de faisabilité
d’une telle recommandation dans le cadre de l’apprentissage en ligne qui
représente un aspect prioritaire pour l’accès à l’information et au
savoir : “ Les TIC
permettent à chacun d'entre nous, en tout point du monde, d'accéder quasi
instantanément à l'information et au savoir dont les particuliers, les organisations
et les communautés devraient pouvoir bénéficier ” (Plan d’action § 10).
Les instances de normalisation ont le plus souvent un
statut d’ONG internationale si ce n’est d’entreprise sans but lucratif et un
mode de fonctionnement s’apparentant à la gouvernance. Celles de l’ISO (International Standard
Organisation : Organisation internationale de normalisation)
concernant les technologies pour l’éducation, la formation et l’apprentissage,
à savoir le sous-comité 36 (ISO/JTC1/SC36 : International Standard
Organisation/Joint Technical Committee 1/Sub-committee 36, Sous-comité 36
du Comité Joint Technique Commun 1 de l’Organisation internationale de
normalisation), sont en train de préparer les futures normes qui permettront
l'interopérabilité des applications et la compatibilité des plates-formes,
donnant ainsi sur le papier plus de choix à l’utilisateur final, assuré d’un
certain niveau de qualité et de service. Pour le moment, seuls les pays les
plus riches sont représentés au sein du SC36, pour la bonne raison qu’ils ont
déjà une réflexion au niveau national dans ce domaine ou du moins s’y
intéressent. Les Etats-Unis, le Royaume Uni, le Canada, l’Australie, le Japon,
l’Allemagne, la France, la Hollande, le Danemark, la Norvège, la Finlande,
l’Irlande, sont les pays les plus actifs par l’intermédiaire de leurs
représentants nationaux, ainsi que la Chine, l’Ukraine, la Corée du Sud.
Ces instances abritent en leur sein des experts qui prennent
des décisions et entendent représenter à la fois les intérêts des utilisateurs
et des industriels concernés, sous couvert de mandats nationaux. La conséquence
est la promulgation de normes fréquemment d’un niveau de description très
général, permettant d’inclure des aspects propriétaires par défaut, difficiles
à mettre en œuvre à cause d’une documentation compliquée, avec des coûts
importants de développement pour mise à niveau des produits candidats à la
certification, avec comme résultat fréquent la validation de normes
industrielles de facto ou un retard constant sur l’évolution du marché.
La Commission européenne considérant
les normes comme un moyen de régulation du processus de globalisation, a chargé
le CEN (Comité Européen de Normalisation) d’harmoniser les politiques
européennes en la matière. L’atelier du CEN traitant des questions de
normalisation pour l’apprentissage en ligne (CEN ISSS LT) publie des
recommandations à l’issue des travaux en cours. Les participants à ces groupes
se choisissent sur la base du volontariat. Il serait pourtant préférable qu’un
mode de représentativité soit élaboré de telle sorte que ces participants puissent
se faire l’écho non seulement des intérêts industriels mais aussi des
différents services ministériels nationaux et de la société civile. Sinon, la
recherche d’adéquation entre normes internationales, européennes et nationales
se fera selon une approche dictée par les intérêts commerciaux dominants au
sein de l’Union Européenne. Des distorsions évidentes sont visibles entre pays
avancés dans leur réflexion à ce sujet tels que le Royaume Uni et d’une manière
générale l’Europe du Nord par rapport à l’Europe du Sud.
La commission de normalisation
"technologies pour l'éducation, la formation et l’apprentissage",
ouverte à tout adhérent AFNOR (Association française de normalisation) est le
"miroir français" du sous-comité ISO SC36. Elle est constituée de
représentants issus du monde académique et scientifique, de l'industrie ainsi
que d'utilisateurs et est présidée par Jacques Perriault (Paris-X Nanterre)[1] . Des groupes de travail ont été constitués afin d’étudier les divers
dossiers ouverts à la négociation internationale de telle sorte qu’une position
française puisse à chaque fois être dégagée et défendue dans les réunions
plénières[2]. Des positions originales sont élaborées sur les différents chantiers
en cours, avec précisément comme préoccupations la défense des intérêts des
utilisateurs finaux et la volonté de définir les modalités de l’apprentissage
en ligne comme bien public international.
Les spécialistes des technologies éducatives se
retrouvent dans une organisation centrale qui a le rôle essentiel de pôle de
réflexion et de proposition (think tank) en la matière, qui est l'IEEE (Institute
of Electrical and Electronics Engineers) : Institut des Ingénieurs en
électricité et électronique). Depuis
1998, l'IEEE pilote le comité de standardisation des technologies éducatives
IEEE/LTSC (Learning Technology Standards Committee). Ce comité comprend
20 groupes de travail qui couvrent l’ensemble des champs à standardiser dans
l’apprentissage en ligne : métadonnées, informations sur l’étudiant,
gestion des contenus, de l’interactivité, etc.. L’aspect le plus intéressant
est que l’adhésion à l’IEEE est faite à titre individuel et sur une base
volontaire. Autrement dit, toute personne peut s’autoproclamer experte dans le
domaine de l’apprentissage en ligne et demander à adhérer à IEEE/LTSC. On peut
constater une prédominance d’experts de langue anglaise et essentiellement
américains, canadiens, britanniques et australiens à IEEE/LTSC. En tant
qu’organisation accréditée, l'IEEE soumet le plus souvent les projets de
standards développés au sein de son organisation, à l’Institut national
américain de normalisation (ANSI : American National Standard Institute)
qui lui-même les présente à l'ISO. Selon ce schéma, nous constatons une
approche bien particulière de la gouvernance à la manière anglo-saxonne, où des
individus sont amenés, sans avoir reçu de mandat électif ou de délégation
officielle de la part des citoyens, à décider en leurs noms propres d’aspects
qui pourraient avoir un grand impact sur les usages du grand public dans les
années à venir ou qui en tout cas sont conçus dans ce but. On peut facilement remarquer
que le nombre de consultants pour l’industrie des logiciels et pour les grands
utilisateurs dont la défense et l’aéronautique sont souvent les fers de lance,
est élevé parmi les membres des groupes d’IEEE/LTSC et qu’ils se retrouvent
représentants nationaux au SC36 des quatre premiers pays cités plus haut au
point qu’un représentant irlandais au SC36 a pu s’interroger sur l’éventualité
que le sous-comité 36 ne serve simplement de chambre d’enregistrement aux
propositions d’IEEE/LTSC.
La société civile se fait
l’écho des projets des développeurs de logiciels libres. Un logiciel libre
signifie non seulement que l’accès au
code source est disponible et le plus souvent gratuit, mais aussi que son
utilisateur peut utiliser le programme, le modifier et le redistribuer, avec ou
sans modification. L’initiative Open Source (OSI) est une ONG qui gère et
promeut la définition de l’Open Source (code ouvert) en tant que bien commun,
avec des licences spécifiques et un programme de certification. L’idée de base
est simple : quand les développeurs peuvent lire, distribuer et modifier
le code source d’un logiciel, ce dernier évolue et s’améliore plus vite que
dans le monde du logiciel propriétaire car ils peuvent corriger les erreurs en
travaillant dans un réseau important de correspondants. La licence GNU/GPL
autorise un auteur qui le désire à créer un programme, le vendre et gagner de
l’argent. Mais elle impose également que tout le monde puisse parallèlement
distribuer ce même programme sans restriction. Le portail des logiciels libres de l’UNESCO donne accès à des documents,
des logiciels et des sites Web qui constituent des références dans le mouvement
de l’Open Source et du Logiciel Libre.
Dans le monde des logiciels libres, le
démarrage de nouveaux projets s’effectue par la mise en commun de ressources
déjà existantes, les coûts de développement étant le plus souvent assurés soit
par des bailleurs publics finançant les salaires des développeurs, soit par du
bénévolat. Si le logiciel n’est pas distribué gratuitement, son prix de vente
est fixé en fonction de ce que le marché veut bien payer, suffisamment en
dessous des prix proposés par les logiciels propriétaires pour pouvoir être
attractif. La perte de revenus comparative sur le prix de vente et l’accès
libre au code source sont compensés par le service pour adapter l’application
client. Etant entendu que 90% des coûts liés à l’informatisation d’un
dispositif concernent son adaptation et sa maintenance, le modèle économique
des logiciels libres pourrait s’installer dans le moyen terme et d’une manière
durable à condition qu’ils soient industrialisés, c’est-à-dire standardisés et
interopérables. Il s’agit de conquérir suffisamment de parts de marché pour
assurer un retour sur investissements convenable, rétribuant normalement les
développeurs en dehors de la logique des communautés de bénévoles qui en auront
assuré le démarrage.
Le seul problème qui peut se poser avec les logiciels
libres est leur interopérabilité. La norme répond à cette préoccupation en
répondant aux cinq objectifs suivants : accessibilité,
ré-utilisabilité, durabilité, adaptabilité, interopérabilité. L’accessibilité
facilite la recherche, l’identification, l’accès aux contenus et composants en
ligne. La ré-utilisabilité permet d’utiliser les mêmes contenus et composants à
différentes fins, dans différentes applications, dans différents produits, dans
différents contextes et via différents modes d’accès.La durabilité permet
d’éviter un nouveau développement ou une réingénierie des formats de contenus
et des composants dans le cas de changements du support logiciel et
technique.L’adaptabilité est rendue possible par la modularisation des contenus
et des composants pour mieux répondre aux besoins des utilisateurs.
L’interopérabilité permet de faire fonctionner ensemble des composants
logiciels grâce à des interfaces communes.
Grâce
aux normes garantissant l’interopérabilité, le consommateur ne risque plus
d'être prisonnier d’un vendeur ou d’un produit en particulier. En effet, les
modules logiciels devront pouvoir communiquer entre eux. De plus, à mesure que
les applications intégrées cèdent le pas à des logiciels utilitaires qui
peuvent être facilement être agencés entre eux, les coûts des dispositifs ont
tendance à diminuer. Pour les vendeurs
d’outils, les normes d’interopérabilité éliminent la nécessité d’écrire une
interface pour chaque produit différent, comme le veut actuellement l’approche
propriétaire. Les coûts de développement s'en trouvent réduits alors que la
taille du marché potentiel pour un même produit s'en trouve accrue. Du point de
vue de l’éditeur de contenu, les normes permettent de produire le matériel
pédagogique dans un seul format utilisable par plusieurs systèmes ou outils de
formation en ligne par exemple. Le fait de pouvoir les installer sur des
systèmes différents est une garantie de la pérennité de leurs usages. Les
normes facilitent aussi le travail du concepteur du matériau éducatif, en
donnant accès à de larges dépôts d'objets ou ressources pédagogique
réutilisables. Les normes incitent également à créer des contenus modulaires
plus faciles à maintenir et à mettre à jour.
La notion de norme ouverte concerne très exactement
l’écriture en logiciels libres des interfaces normalisées entre briques
logicielles afin que soit garantie la plus grande interopérabilité possible
entre elles. Il y a une différence entre un logiciel libre, dont le code est
accessible, et une norme ouverte, dont les spécifications sont décrites avec
suffisamment de précisions et s’appuient sur des outils logiciels bon marché en
code ouvert permettant à tout développeur compétent d’offrir un produit
compatible avec ceux du marché et par conséquent interopérable. L’interopérabilité
est en effet garantie par l’utilisation de formats communs d’échanges de
données entre composants logiciels leur permettant de communiquer entre eux.
L’effort de standardisation porte sur la description la plus détaillée possible
des formats d’échanges de données entre programmes informatiques et ceci de
manière évolutive et souple afin de répondre à la demande du marché en
constante mutation.
Autre aspect de la norme ouverte, sa flexibilité, est
acquise grâce à l’utilisation des outils logiciels les plus courants, à un
moment donné (norme “ plancher ”). L’avancée constante des
technologies vers plus d’intégration implique une modification continue des
procédures utilisées. Et par conséquent, il convient aussi de laisser une souplesse
suffisante aux protocoles proposés pour leur permettre de muter en permanence.
Enfin, la transparence des normes ouvertes est à rechercher tout d’abord au
niveau de leur description qui doit être la plus simple possible. Libre au
développeur de choisir de produire un logiciel ouvert ou propriétaire qui tous
deux respecteront la norme ouverte et pourront être certifiés ISO. Autrement
dit, le principe des normes ouvertes n’est pas une distorsion de la concurrence
mais au contraire un moyen de la promouvoir. Le débat autour des normes
ouvertes s’organise très précisément en termes de préservation de la liberté de
choix de l’utilisateur aussi bien que du concepteur et du développeur du
produit offert sur le marché. Ces enjeux sont portés à la connaissance des
acteurs de la société civile tout comme de la puissance publique.
La conférence ministérielle de la Francophonie sur la société de
l’information qui s’est tenue à Rabat (Maroc) les 4 et 5 septembre 2003 a
rédigé une contribution de la Francophonie au Sommet mondial sur la société de
l’information. Dans le cadre du renforcement des capacités de tous, il est
proposé de veiller à “ l’appropriation, la
maîtrise et l’utilisation généralisée des technologies de l’information et de
la communication, le développement de la recherche et la production locale de
contenus, d’applications et de services. ” Une recommandations nous
paraît particulièrement intéressante pour notre propos, car elle est plus
claire que celle figurant dans le Plan d’action du SMSI : “ Le développement, la diffusion et l’usage de logiciels
libres doivent être favorisés ”.
Les tigres de l’Asie (Japon,
Chine et Corée du Sud) ont décidé d’un commun accord en avril 2004 de
développer une alternative en open source au système Windows de Microsoft. Il
s’agit d’un effort concerté entre les trois Etats afin de couvrir les aspects
de normalisation, de développement coopératif, d’échange de technologie et de
ressources humaines. L’objectif est un système écrit en Linux qui pourra être
copié et modifié librement. Le gouvernement japonais investit un milliard de
yens dans un partenariat qui rassemble Sony, Matsushita et NEC. Les raisons
d’une telle démarche sont à chercher dans la volonté de ne pas dépendre de
Microsoft qui a trop d’emprise sur l’industrie électronique et de l’ordinateur
personnel, sans compter les risques liés à la sécurité, avec les attaques
virales incessantes. En Chine, une récente enquête menée par l’institut Evans
Data, révèle que 65% des développeurs envisagent d’écrire des applications en
Linux en 2004. Ce logiciel a augmenté sa part de marché de 4% en 2002 à 11% en
2003 ; ceci correspond à une modification radicale du marché, sous la
pression du gouvernement chinois. On peut noter aussi que le langage Java de
Sun séduit aussi les développeurs chinois mais dans une moindre mesure.
Du côté de la puissance publique, le cas de la loi prise par le
gouvernement du Pérou “ Logiciels libres dans
l’administration publique ” (no1609)[3] est symptomatique à cet égard de l’évolution des mentalités et de la
mise à niveau de certaines législations nationales en fonction d’éléments issus
d’une réflexion cohérente sur les risques de la société de l’information. Les
principes qui l’ont inspirée sont liés aux garanties fondamentales d’un Etat de
droit telles que l’accès libre du citoyen aux informations publiques, la
pérennité des informations publiques et la sécurité de l’Etat et des citoyens.
Pour garantir le libre accès des citoyens aux informations publiques, il est
indispensable que l'encodage des données ne repose pas sur un fournisseur
unique. L'utilisation de formats ouverts et standardisés garantit ce libre
accès, si nécessaire par l'intermédiaire de logiciels libres compatibles. Afin
de garantir la sécurité nationale ou la sécurité de l'État, il est
indispensable de pouvoir se fier à des systèmes dépourvus d'éléments autorisant
leur contrôle à distance ou la transmission non désirée d'informations à des
tiers. D'où la nécessité de systèmes dont le code est librement accessible,
afin de permettre leur inspection par l'État lui-même et par les citoyens.
Cette loi a été aussi conçue pour stimuler la concurrence puisqu'elle
incite à produire des logiciels avec de meilleures conditions d'utilisation et
une amélioration des programmes existants, sur un mode de progrès continu. Le
rôle du marketing est réduit car les critères de choix proposés pour un
logiciel libre reposent sur ses mérites techniques et non sur les efforts de
commercialisation du fabriquant. En ce sens, la concurrence est accrue, puisque
le plus petit fournisseur de logiciel peut concourir dans les mêmes conditions
que les plus puissantes entreprises. De plus, cette loi permet de sortir du cycle
trop rapide des versions successives du même logiciel propriétaire avec souvent
comme corollaire la fin intempestive de l’assistance technique pour un produit
devenu soudain dépareillé, forçant l’utilisateur à migrer vers de nouvelles
versions avec des coûts induits importants liés au fait que la plateforme
informatique doit aussi être rénovée. Enfin, un autre aspect et non des
moindres concernant les logiciels libres, est la possibilité de développer
l’expertise locale à l’inverse des logiciels propriétaires dont la maintenance
n’est assurée localement que par du personnel peu qualifié.
A l’inverse des développeurs
asiatique ou sud-américains de logiciels libres, leurs collègues africains
rencontrent de nombreuses difficultés[4]. Les emplois sont rares et le manque de ressources les
empêche d’acquérir les compétences nécessaires par des formations. Ils ont par
ailleurs de réels problèmes à cause des tarifs de connexion et des outils de
développement encore trop chers. Le fait qu’il s’agit le plus souvent
d’étudiants nouvellement formés ne leur permet pas d’avoir une notoriété
suffisante pour inspirer confiance aux décideurs locaux qui préfèrent encore
des logiciels produits ailleurs. Par ailleurs, les rares emplois offerts le
sont dans la maintenance et le service au public, les privant du temps
nécessaire au développement de nouveaux produits. En ce qui concerne la sous-traitance,
il existe une concurrence forte avec des développeurs en Roumanie et en Inde
qui peuvent casser les prix. Les développeurs africains n’ont pas encore su se
faire connaître des ONG, probables bailleurs de fonds. Afin de trouver de
nouveaux marchés, il serait souhaitable de développer des logiciels libres qui
pourraient fonctionner sur des téléphones portables. Enfin, il arrive que le
code développé en open source soit copié et revendu localement comme logiciel
propriétaire au mépris du respect des licences correspondantes.
Le critère de bien
public à l’échelle mondiale est qu’il ne doit pas concerner un produit exclusif
mais plutôt un objet collectif et ne pas comporter de brevet. Les logiciels
libres font partie du bien commun en ce qu’ils participent à un développement
durable mieux réparti sur la planète. Les normes ouvertes renforceront ce
processus en régulant la production logicielle qui doit respecter les
interfaces spécifiées pour pouvoir être certifiée ISO. Il est
temps de promouvoir une nouvelle manière de normaliser avec une approche
ouverte, socialement responsable. La certification ISO, manière de garantir la
qualité de la prestation à l’utilisateur, doit devenir un processus décisif
consistant à la fois à viser la satisfaction des besoins exprimés des
utilisateurs dans le domaine concerné, à savoir l’apprentissage en ligne, et à
appliquer des règles strictes pour garantir un niveau de qualité à la fois dans
la définition du domaine couvert, de leur mode de promulgation et dans la
manière dont leur mise en pratique sera encouragée. Cette communication a tenté de démontrer le bien fondé de
l’implication de tous les acteurs concernés dans les négociations
internationales au sein de l’ISO, relatives à la préparation des normes pour
les dispositifs d’apprentissage en ligne, garantie de la prise en compte de
leurs besoins spécifiques et de la pérennité rendue possible grâce à la
normalisation ouverte. Ces acteurs sont les représentants des Etats, des industriels,
des communautés d’utilisateurs et des développeurs. Des établissements publics
doivent promouvoir les utilisations publiques d'outils d'apprentissage en ligne
et des procédures correspondantes en offrant le libre accès aux ressources
éducatives et en soutenant les normes ouvertes aussi bien que l’open source
comme une manière d'encourager le partage de connaissances.
La mise en œuvre de plus de démocratie dans les processus
d’élaboration des normes suppose que les experts ne soient pas les seuls à décider,
mais que les représentants de la société civile, des organisations sociales,
les élus et les développeurs de logiciels libres s’impliquent vraiment selon
des modalités à préciser. Les normes ouvertes permettront de répondre mieux aux
demandes du public en ce sens qu’elles faciliteront l’accès au savoir en ligne
en réduisant réellement les coûts et en diversifiant les modalités d’usage
permettant une meilleure adaptation aux particularités culturelles. Une telle proposition se place à l’encontre du concept de globalisation
libérale, où sous couvert de promotion de la libre concurrence, la conquête des
marchés par les plus gros acteurs est facilitée par des normes propriétaires
proposant l’homogénéisation généralisée de certains usages. Par opposition, les
normes ouvertes, où les formats paramétrés définissent seulement les interfaces
entre les composants logiciels qui peuvent être développés de diverses façons,
sont les mieux adaptées aux besoins locaux et régionaux. Par conséquent
l’option de normes ouvertes, simples et évolutives semble plus adaptée à une
perspective où l'expertise est partagée sur une base égale dans la communauté
des développeurs du monde entier. A été présentée au symposium de Versailles le
19 mars 2003 (http://www.auf.org/programmes/programme4/initiatives2003.html)
une proposition d’instauration d’une bourse d’échanges de briques logicielles
ouvertes permettant d’assembler les outils d’apprentissage en ligne et de les
adapter aux besoins locaux de formation. De cette manière, la communauté
mondiale des développeurs de logiciels libres et des pédagogues intéressés par
ce type d’outils pourra à la fois contribuer à réaliser des modules et trouver
ceux qui viendront compléter leurs dispositifs, dans un processus de
collaboration à la fois pour la proposition de normes ouvertes nouvelles et
pour la réalisation de composants logiciels libres répondant aux spécifications
approuvées.
PERRIAULT, Jacques.2002. L’accès au savoir en
ligne, Editions Odile Jacob, Paris.
Straight from the Source: Perspectives from the
African Free and Open Source Software Movement. Proceedings of
AfricaSource, a workshop held in Okahandja, Namibia, 15-19 March 2004.
SAILLANT,
Jean-Michel, ARNAUD, Michel, BERGER, Françoise, CERF, Marie-Thérèse, FORET, Daniel, HUDRISIER, Henry, LAZARIDES,
Eric, PERRIAULT, Jacques. L’impact de la normalisation sur les dispositifs
d’enseignement, GIS GEMME, Paris, février 2002
http://gemme.univ-lyon1.fr/rapports.html
(Page consultée le 15 mai 2004)
Straight from the Source: Perspectives from the
African Free and Open Source Software Movement. Proceedings of
AfricaSource, a workshop held in Okahandja, Namibia, 15-19 March 2004. http://www.bridges.org/africasource(Page consultée le 15 mai 2004
Sites de références (Pages consultées le 15 mai 2004):
Site du Premier Ministre : http://www.premier-ministre.gouv.fr
AFNOR : http://forum.afnor.fr/Francais/index.htm
ABUL : association bordelaise des utilisateurs de Linux et des logiciels libres http://www.abul.org
AFUL : association francophone des
utilisateurs de Linux et des logiciels libres http://aful.org
APRIL : association pour la promotion et la recherche en informatique libre http://www.april.org
CEN : comité européen de normalisation http://www.cen.org
ISO : http://www.iso.ch et sous-comité 36 : http://jtc1sc36.org
FSFE: Free Software
Foundation Europe : http://www.fsfeurope.org
Symposium de Versailles mars 2003 :
http://www.auf.org/programmes/programme4/initiatives2003.html
* CRIS SERIES, Université Paris X Nanterre
[1] PERRIAULT, Jacques. L’accès au savoir en ligne, Editions Odile Jacob, Paris, novembre 2002.
[2] SAILLANT, Jean-Michel, ARNAUD, Michel, BERGER,
Françoise, CERF, Marie-Thérèse, FORET,
Daniel, HUDRISIER, Henry, LAZARIDES, Eric, PERRIAULT, Jacques. L’impact de
la normalisation sur les dispositifs d’enseignement, GIS GEMME, Paris, février
2002
http://gemme.univ-lyon1.fr/rapports.html
(Page consultée le 15 mai 2004)
[3] Lettre de M. Villanueva, membre du Congrès de la République du Pérou, à M. Gonzalès, directeur général de Microsoft Pérou
[4] Straight from the Source: Perspectives from the
African Free and Open Source Software Movement. Proceedings of AfricaSource, a workshop
held in Okahandja, Namibia, 15-19 March 2004. http://www.bridges.org/africasource(Page consultée le 15 mai
2004