25 d'informatisation de la société / 25 de critique-s
de l'informatisation.
Terminal - Université Lille 3
Lamarche@univ-lille3.fr
L’objet de l’intervention est de faire le point sur la
façon dont se sont développées et réorientées les formes & postures de la
critique de l’informatique en général (et donc des technologies en réseau) en
parallèle avec les formes de développement - diffusion de ces techniques (ce
qu'on a appelé le processus d’informatisation).
Terminal et le CREIS se sont créés autour d’un
discours critique marqué par un contexte sur lequel il me semble intéressant de
revenir rapidement : c’est ce que je nommerai ici l’acte 1. je
passerai à la caractérisation de quelques éléments de transformation majeure
dans la société entre la fin des années 70 et maintenant (acte 2) pour
tenter de caractériser différentes postures critiques car tel est mon sujet
d'intro de ce colloque.
Analyser l’évolution de la critique c’est évidemment
s’intéresser à notre lien à la technique (à ces techniques, car Terminal ne
parle pas de l’ensemble des techniques ni vraiment de la technique au sens
large). Les formes de la critique et les positions ou postures me semblent un
indicateur –un révélateur de quelques changements de notre lien à
l’informatique ou aux TIC ; de la place des TIC dans la société.
Je dois préciser que cette intervention introductive est très fortement redevable à un travail de DESS mené sur l'évolution de Terminal première période (lorsque Terminal était publié sous forme magazine) par Aurélie Gono sous la direction de Michèle Descolonges. Travail qui fera l'objet d'une publication dans le n° anniversaire des 25 ans de Terminal. Ma contribution est aussi redevable aux membres fondateurs de Terminal que nous avons ce printemps réunis en forum sur le thème de 25 ans d'informatisation / 25 ans de critique et dont nous publierons les principaux extraits dans le n° anniversaire des 25 ans…
Repères :
Acte 1 Les acteurs et leur contexte économico
politique à la fin des années 70:
·
Durant
les années 70 apparaissent de façon visible les premiers craquements du
fordisme; et de fortes critique des formes de la mise au travail par la machine
et la science se développent. L'informatique est à ce moment conçue (par les
entreprises) et vue (par le corps social) en lien avec ce qui fait le fond de
l'organisation sociale : une production centralisée de masse, monopoliste avec
une instrumentalisation de la technique (par l'état ou la firme).
·
Le
contexte politique /critique est marqué par les thèmes de la prise de pouvoir
de et par l'Etat; même si les luttes sociales ne peuvent se réduire à cette
perspective. La pensée critique de la technique (notamment telle qu'elle se
cristallise dans Terminal et le CREIS) naît dans la contestation, dans le
mouvement social de la fin des années 70.
·
La
dimension critique de la technique et de l'informatique est à mettre en lien
avec le rejet politisé d’un pouvoir centralisé aux mains de quelques grands
groupes. Un point clé de la critique des années 70 est le tropisme Orwellien
(peur de la méga machine; rejet du pouvoir incarné par IBM). La figure clé est big brother (notons que sous titre de
Terminal à l'origine est : "Terminal 1984"). Un des changements
essentiel est la transformation des formes du contrôle et des représentations
que la société à du contrôle : ce n'est plus tant ou plus seulement de big
brother que vient le contrôle mais d'une multitudes de point ou d'outils (cf.
la métaphore sur le passage de big brother à Little sisters proposée par Emilie
Armatte dans le n°88 de Terminal consacré au cybercontrôle).
·
Ce
qui m'apparaît le plus flagrant est la vision centralisée de la société (vision
très macro-sociale macro-économique) issue d'une phase de social-démocratie ou
l'Etat et les firmes monopolistes priment.
Une précision à propos de la notion d'informatisation
que je n'utilise en règle générale pratiquement pas. Elle recouvre l'idée d'un processus
construit voulu politiquement et dirigé dans lequel la technique
informatique est utilisée pour transformer la société. Tout le monde connaît
: c'est le rapport Nora Minc.
Et c'est face à cette vision politique que la
résistance (forme particulière de la critique) s'organise. Il y a une forme
d'opposition implicite entre technique et société pour reprendre le nom
du CREIS. Une forme d'opposition entre la technique et le social. Bien sur le
projet de cette critique est de lutter contre cette opposition pour dire que la
technique est sociale (dans le sens où elle prend de part son existence
sociale). Il me semble que dans les réflexions originelles la technique est
considérée comme extérieure. Il y a une forme d'extériorité de la technique
informatique et de l'outil en général.
Et c'est probablement une des réussites de ce
mouvement critique que d'avoir fait évoluer la représentation de la
technique. Un des axes majeurs de transformation entre ce que je nomme
aujourd'hui acte 1 et acte 2 c'est la fin de l'opposition entre technique et
social. Le technique (i. e. l'informatique) est sociale, c'est du lien social
et il n'y a plus lieu de le prouver. De ce fait la forme de la critique évolue
car si la technique est sociale alors il n'y a plus lieu d'ériger un barrage
"social" à la technique. On verra plus loin l'idée dans les sciences
sociales de la machine & et son environnement comme une forme continue du
sujet (le sujet n'est pas indépendant de la technique et de son environnement).
Un exemple : on a parlé longtemps de l'Intelligence
artificielle c'est typiquement une séparation homme / machine. Une vision
sans lien homme / machine qui va jusqu'au remplacement de l'un par
l'autre : il me semble qu'aujourd'hui on est plus préoccupé par une
caractérisation de multiples formes de liens hommes / machines que par le
remplacement.
Acte 2 : des révolutions techniques aux révolutions architecturales-organisationnelles : dépolitisation de la critique et construction scientifique.
Quatre remarques rapides sur le changement de
paradigme et une plus longue sur la technophilie.
·
Changement
technique : passage de l'informatique centralisée à la micro
informatique. C’est un mouvement d'individualisation, qui pousse à
l'appropriation personnelle des outils.
·
Changement
dans le mode de production (la régulation) : passage d'une société
industrielle matérielle-matérialiste à une société de services, de
l'immatériel, de la connaissance. Le mode de production et les produits
intègrent des composantes relationnelles structurantes.
o
C'est
à dire que d'une part dans la production se sont les formes de coordination
entre acteurs (dans et hors la firme) qui permettent l'efficacité (sur le
marché) et donc la domination économique
o
Et
d'autre part on vend de plus en plus de biens dont la plus-value est la
composante relationnelle : services en ligne, conseil, formes
communicantes des produits et du packaging…
·
Changement
du rapport salarial : La technique qui mettait au travail l'ouvrier
met au travail l'employé puis l'ingénieur. Il y a une évolution des niveaux,
formes et rôles de la technique dans la mise au travail. On perçoit de plus en
plus fortement dans les modalités de mise au travail une recherche d'implication
de la subjectivité du travail et du travailleur (et non seulement une
implication de ses qualifications). Les modes d'implication du travail passent
moins par la coercition et plus par l'autocontrôle et la mobilisation… tout en
gardant (on verra plus loin) de forts modes de contrôle
·
Evolution
du lien à l’Etat et au pouvoir central : désétatisation du
référentiel politique; décentralisation politique et informatique.
Dans les 25 dernières années, les relations à
l’informatique, aux terminaux et aux réseaux (en un mot aux techniques de
l’information) font apparaître une technophilie montante dans la société… et
notamment dans sa frange critique. Lors du forum sur les 25 ans de Terminal nous avions évoqué
l'idée telle que "la société a
digéré l'informatique" mais la technophilie, présente dans la société
en général et dans les médias (intégré technologiquement ) en particulier
autorise à retourner la phrase : n'est ce pas l'informatique qui a
digéré la société ?
On est sorti d'une critique radical anti-technicienne.
On a plus peur de l'instrumentalisation de la technique. L'arrivée des
multiples générations de nouveaux produits a construit une figure du
consommateur d'objets techniques et d'objets communicants.
Je voudrais citer deux étapes dans cette technophilie : nouvelle
économie d'une part et TIC dans le renouveau du local / du
politique d'autre part.
La fin de la décennie 1990 est marquée par la vague de
la nouvelle économie. C'est une période d'euphorie absolue, qui broie
les sceptiques et les réticents. Il y a alors une grande difficulté à faire
face à un mythe en cours de construction. On
a pu, depuis bien sûr, montrer quelle puissance d'aveuglement idéologique
était en œuvre. Cela a pu redonner un certain sens critique (peut être
temporaire…). Si le mythe boursier et dans ce sens le mythe économique (1000
ans de croissance promis par la revue Wired) a vécu, par contre la puissance
mythique de la technique "au secours de" reste…
Depuis la fin de ce mirage économique (brutalement en
2000), l'euphorie s'est déplacée sur le terrain du local et du politique.
Les Tics constituent un nouvel horizon pour les villes et les territoires.
Elles peuvent apparaître comme le fer de lance de l'action publique
décentralisée. En contre point d'un service public qui s'est arrêté à la
téléphonie, les collectivités (régions notamment) dynamisent leur image et leur
action par des politiques (actives, variées) d'accès aux TIC (souvent limitées
à l'accès à internet ). En lien plus ou moins direct avec cela, les TIC
soulèvent une autre utopie : celle de pouvoir renouveler la démocratie :
o
cf.
le mirage du vote électronique pour lutter contre l'abstention
o
cf.
les formes participatives médiées par la technique. Ici se trouvent des actions
très variées
§
simple
politique de valorisation par la technique
§
réseau
comme substitut de la démocratie
§
mais
aussi vrais projets de démo participative (Brest par ex)
Durant ces 25 ans un long, lent mais incontestable
mouvement d'appropriation des TIC (coté téléphonie et coté informatique
avec en plus un développement de la consommation de produits audiovisuel
notamment). On peut évoquer l’appropriation ou bien l’insertion dans les
pratiques courantes-quotidiennes ou encore la domestication.:
o
Cette
domestication de quelques-unes unes des TIC (mobile, traitement de texte, voire
Internet) a pour effet d’intégrer globalement les TIC dans une sphère
familière (l’usage social rompt l’hétéronomie de la technique)
o
L'assouvissement
de liens et de désirs communautaires et relationnels par les/des TIC
éloigne le spectre de la technique totalitaire / déshumanisante… Et c'est même
parce que chacun (ou presque) peut s'approprier des moyens (le
phénomène portable est le plus significatif) de communication que le système
n'est pas vu comme potentiellement totalitaire. Le totalitarisme c'est
ailleurs, c'est l'autre, c'est pas mon PC ou mon portable. Ce que l'on voit
paraît inoffensif car familier.
o
Et
évidemment à l'idée de TIC déshumanisante répond la réalité du flux de lien
: même le SMS renforce le lien social et participe à un mode de relation type
cocoon (absence de rupture).
Mais rassurez vous nous gardons à Terminal quelque
Techno méfiants ou techno réticents…
Les formes de la critique de l'informatique et de
l'informatisation ont évolué. Je propose ici de caractériser modalités
d'exercice de la critique. Il s'agit de postures critiques qui ne s'excluent
pas, dans le sens où différents acteurs peuvent tour à tour prendre différentes
postures. A travers cette première esquisse de typologie il s'agit de montrer
que si la critique sociale telle qu'elle apparaît comme fondatrice dans les années
70 s'est atténuée, par contre d'autres modalités se sont construites et ont en
quelque sorte pris le relais.
Les différentes formes de la critique sociale et leur
position dans la coproduction ou la cogestion des formes institutionnelles
correspondent à l'insertion / récupération de la critique artiste que
caractérisent Boltanski et Chiapello dans Le nouvel esprit du capitalisme.
Le nouveau régime qui se structure sur les décombres du fordisme mobilise des
figures et des positions critiques.
1
Première posture Le
critique consumériste coproducteur :
de militant à expert .
Le glissement vers l'expertise me semble être un point clé de l'évolution
(maturation ?) de la critique liée à la technicisation du débat et de
l'action. Néanmoins les formes de l'expertise sont elles-mêmes multiples. Une
des formes de l'expertise se construit en lien à la montée du consumérisme
informatique –communicationnel – technologique.
o
Nombre
d'acteurs de la critique jouent un rôle pour ainsi dire de co-producteur des
formes institutionnelles ou réglementaires. Cela à l'image de la place
prise par les ONG et la "société civile" comme acteur politique.
o
La
critique va pouvoir s'associer -être associée- à la gestion de la machinerie…
justifiant ainsi globalement l'édifice. Nous sommes ici dans la posture de la cogestion
que connaissent les syndicats (syndrome des lois Auroux de 1982) ou les ONG
parfois appelées par telle institution internationale à jouer un rôle de caution.
o
Un
exemple récent est la lutte contre la fracture numérique. Est ce un
combat politique ou consumériste ? L’action du politique et d’associatifs se
présente comme un discours critique sur l’accès, sur les inégalités qui
s’inscrit dans une coproduction. L’image de la réduction de l’action politique
à une consumérisation peut ici être mobilisée .
On peut évoquer une posture critique consumériste car
entrer comme acteur de la diffusion des techniques valide la place centrale
donnée au consommateur de bien électroniques communicants.
Je crois qu'il faut distinguer d'une part le rôle de coproducteur des formes
institutionnelles /réglementaires qui est assez directement politique et
qui montre bien une continuité entre l'opposition /résistance qui
caractérise la période des années 70 , de celui d'autre part de coproduction
des formes techniques. Par exemple cogérer le problème de la
fracture numérique ne relève pas de la même posture critique que de refuser
l'instrumentalisation de l'informatique dans le contrôle du travail.
donc
2
Deuxième posture
L’activiste
coproducteur coauteur de ses outils
Cette deuxième posture correspond à un changement dans
la nature même de l'action politique concernant informatique et technologie de
l'information : d'une critique politique (marxisante) on passe à des formes
de construction d'une informatique alternative. Il s'agit d'un passage de la
réflexion et du mouvement social critique à une posture qui consiste à mettre
en œuvre et s'approprier les techniques. Ceci peut être considéré comme une
filiation du mouvement communautaire ou encore autogestionnaire.
Dès la fin des années 70 cette question de
l'alternative (typique des années 70) est présente, mais au début il s'agit de contrer
les projets centralisateurs IBM … La pensée politique est marquée par une
peur du totalitarisme (celui d'IBM – HAL) ou de l'Etat (fond de pensée
libertaire).
Les changements de fond, sont l'informatique personnelle, puis Internet, puis le libre.
Et cela avec un aspect fondamental : pendant que les économies entraient
dans une phase que l'on nomme mondialisation, la résistance- ou la construction
d'alternatives se mondialisait.
1er point de fond : La critique devient coproductrice de la technique et
non (ou non seulement) force d'opposition ou de résistance. D'une pensée d’opposition
une part de la critique est passée à une prise en charge de la question
technique qui peut s ‘apparenter à une coproduction. Et on peut trouver un
mouvement d’appropriation sociale forte qui va jusqu’au code source. Notons
que lorsque l’on dit appropriation sociale cela s’oppose à l’appropriation
juridique, personnelle. Ce que l'on ne voyait pas à l'époque c'était la
possibilité de construire un monde informationnel rivalisant avec le monde
marchand mais inséré dans ce monde.
§
Pour
le savoir : lutte entre le gratuit & ouvert et le réservé &
payant
§
Pour
le système technique lui-même : le logiciel libre
§
L'alternative
se base sur des formes de mutualisation, de coopération…
La critique comme la construction d'une alternative ne
s'apparente pas nécessairement à une forme d'alternative globale, bien que les
positions varient sur ce point. Le monde du libre ne tente pas massivement de
supplanter le monde du payant.
André Gorz parle de “ l’anarcho-communisme ” du libre dont la "pratique et le programme". C’est l’agir qui est en pointe, qui parfois tire la réflexion. Cette face de la critique prend les choses en main. Elle est en phase avec l’altermondialisation. Un autre monde est possible construisons-le.
A cette figure "constructive" de l'alternative doit être ajouter la figure résistante du hacker (téléchargement, incursion sur site protégé…) qui allie piraterie et fronde libertaire.
Deux idéaux de 68 sont peut être à revisiter après passage de la moulinette libérale. Ces deux
composantes essentielles de l'alternative : gratuité (P to P comme modèle
décentralisé) et travail en communauté. Ces deux composantes forment un enjeu
majeur.
o
Le gratuit
et le copy left (i.e. sans droit de propriété) sont des axes essentiels de
résistance au capitalisme du savoir. En effet ce capitalisme est patrimonial
par excellence. La domination industrielle se fait par captation de
connaissances qui se cristallisent et s'accumulent par un système de brevet
(protection du savoir), de marque (protection de symbole de la domination
psychologique et affective du consommateur), et de propriété intellectuelle
(droit sur les productions artistiques..). Par opposition la logique du gratuit
pour le logiciel mais aussi pour l’échange de fichiers place l’internaute en
acteur.
o
La communauté
dans ou hors du système marchand (cf. communautés d'avocats d'affaire ou
communautés scientifiques) comme organisation du travail non-hiérarchique
heurte les formes de contrôle de la grande entreprise ou de la bureaucratie (au
sens de Mintzberg ; voir sur ce sujet les travaux sur les communautés
épistémiques)
3
Troisième posture
Du critique alerteur :
fonction tribunicienne de la critique
Présence d'une forme de distance critique, de
dénonciation, dont la motivation est notamment la protection des libertés
publiques.
On vien tde le voir dans la posture précédente, la
critique se transforme et pour ainsi dire s'insère dans une co-production du
système technique. Pourtant les TIC (ou l'informatique, dans le sens technique
de l'information) restent utilisées dans une logique de contrôle social.
De ce point de vue la question de fond est inchangée sur ces 25 ans :
quid du contrôle social intermédié par la technique. L'informatique est
utilisée comme une technologie de contrôle autant par la puissance publique que
par les employeurs, dans une grande continuité, mais aussi avec quelque
évolutions.
D'un contrôle centralisé on est passé à différentes formes ou niveaux de contrôle qui ne font pas disparaître le risque du big brother mais coexistent. Les projets étatiques de constitution de méta fichiers sont toujours présents (cf dossier médical, cf LSI LSQ…) avec deux vertus accordées à l’informatisation ; qui sont aussi deux fantasmes partagés par les pouvoirs :
o
le
fichier permet de réaliser des économies car tout est contrôlé et la
technique simplifie (composante essentielle du plan de sauvetage de la sécurité
sociale proposé actuellement par Philippe Douste Blazy)
o
le
fichier permet d'identifier les menaces (toutes les menaces) ;
c’est un outil scientifique qui permet de tout savoir (cf les contrôles à
l'entrée du territoire américain actuellement présentés comme le moyen de
tracer les terroristes).
Cependant les formes de contrôles se sont diversifiées
et étendues au profit d'une a surveillance mutuelle d'une
part et de formes d'auto-contrôle social d'autre part. Chacun peut être
auxiliaire de police, accéder à des sources de surveillance, dès le regard
porté sur la facture téléphonique détaillée, la liste des mots clé utilisés
dans le moteur de recherche de l'ordinateur. Il ne s'agit pas de modes de
contrôle intentionnels, ni de système organisé, dans la sphère familiale comme
dans la sphère professionnel, les informations collectées pour différent motifs
(facturation, mémoire pour la navigation internet…) construisent autant de
traces qui mettent en lumière les actions individuelles et réduisent la part
d'intimité des utilisateurs. A cela s'ajoute des formes de regards ou de surveillance
exercés sur des composantes émotionnelles (intérêt porté à la
subjectivité et aux émotions des travailleurs au contact des clients par
exemple).
Dans le monde professionnel, la technophilie évoquée
précédemment liée au chômage de masse fait intérioriser des nouvelles formes
d'exercice du pouvoir , de la surveillance et de la mesure. Le développement de
systèmes techniques de contrôle du travail est marquant notamment en ce qui
concerne le travail immatériel et intellectuel. A l'emprise physique de la
chaîne fordienne (rejet de l'asservissement du travailleur ouvrier comme figure
centrale de la politisation des années 68-80) succède une emprise sur la
subjectivité du travailleur. La mise au travail ne se base alors pas
seulement sur le temps de travail, mais plus largement sur l'implication
personnelle/subjective au travail : sourire des télétravailleurs,
capacité à utiliser des composantes non professionnelles (réseau, attitude,
culture…)
Cette troisième posture critique, posture
tribunicienne, repose sur une forme d'expertise sur des thématique complexes et
techniques. Cela se traduit par une scientifisation du travail syndical. Le
développement de la composante réflexion-expertise n'est pas spécifique au
questions de technologie, on trouve aussi cela sur les question de travail ,
d'éducation, de privatisation des services publics… cette expertise des
syndicats et des mouvements sociaux constituent une autre posture que la
posture consumériste évoqué précédemment.
Pour finir sur la posture d'expert, il convient
d'évoquer une position important qui est celle de l'expert évaluateur, position
qui se trouve renforcer par le développement des formes d'évaluation. Nous
trouvons cependant ici plus un expert consultant qu'un expert militant. Cela
suppose une autre place dans une typologie de la critique…le consultant n'est
pas en soit critique, mais il faudrait analyser de près les liens entre
consultance et positions scientifique.
4
Quatrième posture
l'enseignant critique
Je ne développerai pas ici cette posture qui est celle
du CREIS notamment. La fin des années 1970 en France est le moment de la
construction d'enseignement "informatique et société". Il s'agit
d'apporter dans l'informatique une réflexion sur l'usage et l'insertion des
technologies, en filiation avec le "social informatics" qui existe
déjà aux Etats-Unis.
L’évolution de la pensée scientifique des TIC peut se
remarquer dans le lien de certains avec le titre du colloque “ 25ans de
contrôle ” c’est déjà une prise de position ; et c’est un de nos
constituant à Terminal et au CREIS. Le titre est symptomatique de notre
histoire que l’on peut qualifier de tribunicienne. D’où notre lien
toujours fort aux sciences sociales et humaines qui s’intéressent à la
technique; cependant notre position n’est pas exclusivement scientifique mais
aussi de “ position ”.
Les pensées scientifiques sur les TIC au sens large ont pour objet qq chose
comme le dévoilement : la science pour non dénoncer, mais montrer ce qui
est dans ce sens il y a une évolution scientifique de la critique. Elle est
présente dans la coupure de 1995 dans la publication de Terminal.
Une tendance forte de l'évolution de la pensée
critique va donc vers une critique scientifique : montée des SIC + micro
sociologie. On s'intéresse ici à l'évolution de la critique qui passe d'une
perspective politique de la critique (lutter contre le Pouvoir voire pour
prendre le pouvoir) à une position critique scientifique.
Ainsi titrer sur 25 ans de la critique de l'informatisation c'est aussi acter que l'informatisation est moins strictement affaire d'informaticien. C'est d'ailleurs une des raisons d'être d'Informatique et société. La montée des sciences de l'information et de la communication -SIC- est un indice indéniable de l'évolution de la critique. La place des infocoms est à l'évidence croissante , cette assemblée en est un des indices.
La critique de ce point de vue est dépolitisé (ou non
politisé per se) et se construit un argumentaire scientifique, la critique
d'une société de communication fait évoluer la pensée des TIC sans entrer
directement sur la dimension politique. (Politique dit ici comme action
politique.)
Les SIC ne se situent pas dans le positionnement
"expert" mais produisent un champ disciplinaire nouveau. A la
différence de la sociologie par ex qui ne postule pas nécessairement que les
TIC constituent un objet propre.
Ces quelques réflexions sur les formes de la critiques
et les évolutions scientifiques montrent pour conclure tout le bien fondé d'un
colloque scientifique avec des positions analytiques fortes.